Lutte contre la prolifération des armes légères : « Grâce aux activités de rapprochement, les populations ont commencé à s’accepter », dixit Amadou Maïga, journaliste et président du Rasalao-Mali

La lutte contre la prolifération des armes passe inéluctablement par la sensibilisation. En première ligne de ce combat, le Réseau d’action sur les armes légères en Afrique de l’Ouest (Rasalao). Connu pour son engagement, le journaliste Amadou Maiga, président dudit réseau, revient sur les nombreuses actions menées dans ce cadre par son organisation et les difficultés auxquels le réseau est confronté. Interview 

Le Réseau d’action sur les armes légères en Afrique de l’Ouest (Rasalao) est une organisation régionale de la société civile, qui regroupe toutes les organisations, y compris bien sûr le RJSDEAO. Il est créé en 2002, à la suite de l’assemblée générale des 15 pays au Ghana. C’est une organisation sous-régionale, mais autonome au niveau de chaque.

Maliexpress.net : Quels sont les objectifs de Rasalao ?  

Amadou Maiga : Le réseau s’est fixé comme objectifs principaux de sensibiliser les populations sur la prolifération illicite des armes légères, de mettre fin à la demande des armes, de sécuriser les personnes et leurs biens, de faire le plaidoyer pour que les pays ratifient et mettent en œuvre les différents traités et conventions. 

Que fait concrètement le réseau dans le cadre de la lutte contre les armes légères ?

Le réseau mène une lutte implacable contre les armes légères, comme son nom l’indique. Nous sensibilisons les populations au niveau national naturellement. Mais aussi au niveau sous-régional en se calquant sur la convention de la Cedeao sur les armes légères et de petit calibre, leurs munitions et autres connexions annexes. Cette convention a été signée par tous les présidents des 15 pays. Au Mali, c’est le général Amadou Toumani Touré (paix à son âme) qui l’a signée depuis le 14 juin 2006 à Abuja au Nigéria. Cette convention de la Cedeao en son article 23, titré ”programme d’action publique et de sensibilisation”, confère ce pouvoir à la société civile dans ce domaine. Les États membres, dans le souci de promouvoir la culture de la paix, élaborent des programmes d’éducation et de sensibilisation publique, communautaire, au niveau local, national et régional afin de permettre l’implication des populations dans les efforts de la lutte contre la prolifération des armes légères et des petits calibres. Les États s’engagent, à cet effet, à développer et renforcer leur partenariat avec les organisations de la société civile au niveau local, national et régional en incluant notamment toutes les voix possibles pour une meilleure information de sensibilisation du public sur les dangers de la prolifération des armes légères et des petits calibres. Les États s’engagent à encourager la société civile, à jouer un rôle de premier plan dans la sensibilisation de l’éducation de la population. 

Toujours à ce niveau, il est bien de rappeler qu’au niveau du rasalao, le TCA : ‘’traité sur le commerce des armes’’, qui est d’actualité aujourd’hui, a été adopté le 2 avril 2013 au siège des Nations unies à New-York par 156 pays lors d’une assemblée générale. Depuis le 3 juin 2013, le traité a été ouvert à la signature des pays. Nous avons cherché des financements, nous les avons eus. Une délégation de WANSA a fait le tour des 15 pays pour que l’Afrique de l’ouest soit championne dans cette ratification, parce qu’il fallait simplement 50 signatures pour que le traité rentre en vigueur. Lorsque le traité a été ouvert le 2 avril 2013 à la signature, le Nigéria est le premier pays qui a signé en Afrique de l’ouest, parce c’est lui qui signe et peut ratifier sur place. Notre pays, le Mali, l’a signé le même jour, il est le premier pays francophone à le faire. Chez nous, il faut signer et revenir au pays pour qu’on mette tout ce qu’il faut pour la ratification. 

Mais, le rasalao a pris le bâton de pèlerin et a fait le tour des 15 pays de la cedeao pour qu’il puisse être en tête en Afrique et pour que toute l’Afrique puisse être en tête au niveau mondial par rapport à la signature et à la ratification du traité.

Nous organisons des activités de rapprochement des populations pour qu’elles puissent, d’abord, se parler, se comprendre, ensuite percevoir la gravité de la circulation illicite des armes légères, enfin pouvoir dénoncer, réfléchir ensemble, participer ensemble et contribuer à la sécurisation de leur communauté. 

Parmi les activités menées, il y a aussi des ateliers de sensibilisation sur la sécurité, sur les routes en ville et aux frontières. Et là, ce sont les leaders que nous avons invités : Les chefs de village, les chefs de fraction et autres, parce qu’il y a trop de crimes. 

Quand les gens ont commencé à s’approcher, ils se sont parlé et finalement tout le monde s’accuse. Nous sensibilisons toutes les couches sociales, à commencer par les hommes de médias qui ont une mission d’alerte, qui ont une mission de sensibilisation. Nous vulgarisons aussi la convention de la cedeao, nous organisons aussi des rencontres, des caravanes pour que les populations comprennent que l’arme ne doit pas être portée sans autorisation.

Pensez-vous qu’il y a véritablement une réelle volonté politique de faire respecter les traités sur les armes légères ?  

Il y a naturellement une politique de respect des traités. Les traités sont des conventions, à partir du moment où on les signe et les ratifie, ça s’impose. Le dernier traité qui est en vigueur est le TCA. Le Mali l’a signé en 2013 et l’a ratifié en 2014. Il y a une politique, c’est normal, ça s’impose. Il peut y avoir, dans cette période d’insécurité généralisée globale un peu partout avec ce terrorisme, des difficultés.

Quel a été l’impact réel de votre travail de lutte contre la prolifération des armes légères au niveau de la sécurité des populations ? 

Le premier impact et le plus important pour nous d’abord est la cohésion sociale, parce que pour prétendre parler aux gens, on les rapproche d’abord afin qu’ils s’acceptent. À travers nos actions, les gens ont commencé à s’accepter quand on a commencé à organiser des ateliers. C’est pendant ces ateliers que les gens ont commencé à se parler. Ça nous a donné entière satisfaction. 

Quand on a commencé en 2017, les gens étaient réticents, mais aujourd’hui ils voyagent ensemble, ils s’invitent ensemble. Les gens ont compris que la sécurisation de leur espace incombe à chacun d’eux, que chacun à un rôle, bien sûr combattre le port illégal des armes, combattre la circulation illicite des armes.

Sur le terrain, votre réseau est très actif. Quelle est l’appréciation que les populations font de vos actions ?

Je pense que les gens sont satisfaits et le revendiquent toujours. Mais, les moyens manquent. Personnellement, je suis satisfait du feedback qui me revient des populations. Et nous, on est content parce qu’aujourd’hui, elles se sont retrouvées. Ils font tout ensemble et ils nous informent de ce qui se passe en temps réel.

Quelles sont les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de vos activités de terrain ?

La toute première est d’ordre financier, la deuxième difficulté est la compréhension par le temps qui court aujourd’hui des populations. On a fait beaucoup d’activités, mais quand on arrive, par exemple, à une remise volontaire des armes, alors commencent les problèmes. Parce que là, les gens n’entendent pas d’une bonne oreille le fait de se désarmer alors qu’il y a l’insécurité. Tous les jours, on enlève les gens tous les jours et/ou des troupeaux, on barre les routes, des attaques de tout genre. Malgré tout, on arrive à se faire comprendre et les gens comprennent très bien que lorsqu’ils se mettent ensemble dans la commune, dans le village ; quand les élus, les responsables etc. d’une localité donnée parlent le même langage pour sécuriser leur espace, c’est très faisable. 

Le réseau veut bien mener cette lutte, mais les moyens lui manquent. Ça c’est les difficultés. Ceux qui ont déjà compris sont en train de nous aider aujourd’hui, surtout certains leaders des villages. On a brisé les barrières qui séparaient les gens et aujourd’hui, ils se sont retrouvés. Je me rappelle de la toute première activité où les Touaregs, les Sonrhaïs, tout le monde devait venir. Les gens se méfient le premier jour. Mais après le deuxième jour, les gens ne voulaient pas que ça finisse. Avant, ce sont les chefs de fraction qui venaient, mais cette année, ils ont exigé que tout le monde vienne, malgré l’insécurité. On l’a fait, on a réussi, mais on a découvert qu’en réalité, il n’y a rien qui sépare les gens, c’était la peur, les gens ont le même besoin de sécurité, le même besoin alimentaire. Il suffit seulement de briser ce mur de méfiance. On élabore aussi des messages qu’on diffuse à la radio pour que les gens comprennent qu’ils doivent participer à la sécurisation de leur localité.

Nous demandons aux uns et aux autres de mettre fin à la demande des armes. Il arrive que certains nous répondent, d’autres nous disent aussi : Si nous rendons nos armes, comment allons-nous sécuriser nos animaux ? Comment allons-nous faire pour nous protéger ? 

Nous leur disons que toute cette insécurité s’est accentuée parce qu’il y a les armes. Si les gens ne détiennent pas les armes, personne n’aura peur de l’autre. Le Rasalao organise beaucoup d’ateliers, beaucoup de sensibilisation jusque dans les communes pour que les gens comprennent d’une part que l’arme ne doit pas être portée par n’importe qui. Ça c’est très important. Pour porter l’arme il faut avoir une autorisation de port d’armes. Dans les villages, dans les communes, dans les villes, on dit non au port des armes. Mais puisqu’aujourd’hui la situation s’est aggravée, chacun dit : il me faut une arme. 

La dernière fois qu’on a pris en compte 25 chefs de village sédentaires pour aller jusqu’à Tinaouker dans le Tilemsi, rencontrer les autres maires et chefs de fraction, il fallait entendre ce qu’ils disaient, ils étaient contents. Toutes les rencontres, c’était au bord du fleuve. Ou bien on ramène tout le monde à Gao parce qu’il y a l’insécurité. Mais malgré tout, les gens étaient contents, ils ont commencé à se faire confiance grâce à nos activités. 

Une centaine d’armes légères ont été détruites en juillet dernier pour la première fois au Mali. Est-ce à dire que c’est le début de la concrétisation du combat mené jusqu’ici ? 

Ce n’est même pas pour la énième fois, des armes ont été détruites ici plusieurs fois. La flamme de la paix a eu lieu à Tombouctou. En dehors de ça, il y a eu plusieurs incinérations d’armes. La toute dernière a eu lieu à Tombouctou, mais sans la flamme de la paix. La toute dernière avant ces activités de terrorisme était à Anderamboukane plus précisément à Tamadach. J’étais là et ce jour ce n’était pas sans arme. Le 9 septembre, dont vous avez parlé, est la journée internationale de la paix. Ce n’est pas le début mais plutôt une continuité. Le Mali a fait un exploit dans ce domaine, C’est un pays champion en la matière. Mais je suis d’accord qu’en ce moment de crise, quand les gens acceptent de rendre les armes, c’est déjà bien car cela concrétise l’effort que la commission nationale à travers le secrétariat permanent. 

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