APR : Les éclairages du porte-parole de la CMA, Mohamed Elmaouloud Ramadane…

Interrogé sur la question de la relecture de l’accord pour la paix et la réconciliation (APR), le porte-parole de la coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), Mohamed Elmaouloud Ramadane apporte d’ultimes éclairages. C’est une interview vérité qui permet également de cerner d’autres aspects de l’accord.  

Quelle est la situation sécuritaire sur le terrain de nos jours?

La situation sécuritaire sur le terrain de nos jours est très inquiétante et catastrophique pas  au Mali seulement mais un peu partout dans le Sahel, c’est une situation qui  a vraiment atteint un seuil critique et en plus de cela il y’a  le climat politique, économique et social désastreux, suscitent  des plus en plus des  frustrations et de ressentiment parmi la population. Il faut reconnaître que cette situation d’insécurité d’aujourd’hui n’arrange personne du coup elle mérite la mise en place d’une stratégie bien réfléchie adéquate et appropriée car il est temps de reconnaître l’inadéquation des réponses actuelles en matière de sécurité. Pour moi la solution ne peut être qu’une armée reconstituée et inclusive où tout un chacun s’y reconnaîtra comme prévu par l’accord pour la paix et la réconciliation nationale.

Plus de 5 ans après sa signature, comment peut-on juger la mise en œuvre de l’accord ?

Si nous voulons faire une évaluation de la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu de processus d’Alger, nous allons constater qu’elle traine et prend réellement un retard considérable, plus de cinq (5) ans après sa signature, plusieurs de ses objectifs sont loin d’être atteints car  elle avait rencontrée un certain nombre des difficultés et particulièrement la mauvaise volonté politique des différents gouvernements du régime déchu.  Si vous regardez bien la plus part des avancées dans la mise en œuvre de l’accord sont de nature  transitoire, intérimaire ou très partielle  qui n’ont aucun impact réel sur le terrain, d’ailleurs sont des points que leur mise en œuvre  ne devrait pas dépasser les 60 jours après la signature de l’accord comme par exemple le MOC et les autorités intérimaires.  Aucune réforme d’envergure politique relative aux questions politiques et institutionnelles n’a été prise jusqu’à aujourd’hui et cela est valable  pour l’aspect défense et sécurité. Il faut rappeler que les dispositions essentielles de l’accord comme par exemple les piliers politico-institutionnel et sécurité- défense sont interdépendants et devront avancer ensemble ou aucun ne réussira, le fait de ne pas vite comprendre cette équation a aussi été un facteur de sa lenteur. Pour plus des détails sur cette question je vous renvoie au dernier rapport de l’observateur Indépendant (Centre Carter)

L’accord a été signé mais la paix n’est pas encore gagnée et l’insécurité bat son plein. Est-ce un échec de l’accord ?

Non ce n’est pas un échec de l’accord en tant que tel car il n’a même pas été mis en œuvre intégralement, c’est plutôt la mauvaise volonté politique et le non-respect des engagements. Mais quand même il faut se féliciter d’une chose très importante comme l’arrêt des hostilités entre les parties signataires depuis la signature de l’accord on parle plus de belligérance donc  il ne faut pas que vous ne regardiez que la partie vide de verre. Quant à la paix qui n’est pas encore gagnée et l’insécurité  dont vous parlez,  ceux auxquels la responsabilité incombe  ne sont pas signataires de l’accord, soit des groupes jihadistes qui sont à la cause ou l’insécurité liés aux conflits intercommunautaires. Cependant, l’accord  pour la paix et la réconciliation au Mali issu de processus d’Alger, reste le seul instrument gage d’une paix durable et d’une réconciliation nationale.

Certains estiment qu’une relecture de l’accord s’impose. Est-ce que c’est la position de la CMA?

La CMA n’est pas contre le principe de la relecture ou des modifications des certaines  dispositions de l’accord car cela est prévu par son article 65, mais il y’a des préalables et c’est toute une procédure qu’il faut enclencher. Cependant il faut se poser la question, pourquoi la relecture de l’accord ? Et quelles seront les conséquences ?Il m’est important de rappeler  que  la CMA est la dernière partie à signer l’accord, c’était le 20 juin, le gouvernement et la plateforme l’ont signé le 15 mai 2015 , la CMA fut  très réticente et avait beaucoup des amendements et des observations à y apporter du coup si on l‘ouvre de nouveau, il faut s’attendre à que tout cela sera  remis sur la table. Il y’a une autre chose à savoir, qu’il ne faut jamais croire qu’une seule partie aura le privilège d’apporter les modifications à sa convenance et que les autres parties n’auront pas leur mot à imposer, donc c’est un couteau à double tranchant. De mon point de vue c’est une boîte à pandore qu’il faut à tout prix éviter d’ouvrir. C’est une  aventure hasardeuse que nous ne maîtrisons pas ses conséquences et elle va nous faire perdre  beaucoup du temps car c’est une nouvelle négociation qui va s’ouvrir.

Quels sont vos rapports avec les autorités de transition. Est-ce que vous êtes en phase sur l’application de l’accord ?

Nos rapports avec le gouvernement de transition sont très bons, nous nous comprenons sur la pertinence d’avancer ensemble pour la mise en œuvre de l’accord. C’est un gouvernement que nous jugeons disponible pour le moment et sur lequel nous comptons beaucoup pour rattraper le grand retard commis dans le processus de paix.

Récemment, Kidal a abrité le CSA, qu’est-ce que l’on peut retenir de ces assises ? 

C’était historique et c’était la première fois de son genre depuis la signature de l’accord en 2015, mais au  delà de la symbolique et le local, reste  un CSA comme les autres, il faut qu’on essaye d’appliquer sur le terrain tous ces engagements pris par les uns et les autres car les populations souffrent de manque des services sociaux de base.

 Le processus de DDR continue, est-ce qu’il y a encore des besoins à satisfaire dans ce domaine ?

Le processus DDR proprement dit ou le grand DDR n’a même pas encore commencé, ce qui se passe c’est ce qu’on appelle le DDR accéléré et cette étape n’est pas générale, ne concerne que les éléments du MOC pour former les BTFAR. Mais il faut noter quand même que la CNDDR reste l’une des commissions de l’accord la plus active. Il faut que les parties parviennent à déterminer de commun accord, un quota des ex combattants à intégrer aux forces armées et à la fonction publique pour que le processus DDR puisse commencer et nous espérons que cela trouvera très vite une réponse lors des prochaines rencontres de la continuité de la rencontre du niveau décisionnel.

Un commentaire sur le fait que le drapeau national est descendu du gouvernorat de Kidal…

Ce sont des jeunes révoltés, incontrôlables et leur acte était la conséquence de la déclaration du Premier ministre devant le CNT où il parlait de relecture de l’accord.

Propos recueillis par Alpha Mahamane Cissé

Source : Miroir Hebdo

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