Réseau Média et Droits de l’Homme : « la classe politique doit faire son mea-culpa et demander pardon au peuple malien »

Introduction :

Halte à la fraude électorale néfaste pour la démocratie et la bonne gouvernance ! La fraude électorale est un rapport ’’incestueux’’ qui favorise les inégalités et tue la démocratie. Elle tue l’initiative, la saine émulation pour une compétition saine dans la course aux postes électifs et de nomination. De ce rapport sont issus des gouvernants élus à la légitimité douteuse, qui dans l’exercice du pouvoir conduisent le navire selon le même principe frauduleux, népotiste et corrompu, créant un environnement favorable à l’insécurité, le terrorisme, le crime organisé transfrontalier, les trafics illicites et le blanchiment des capitaux. Dans cet environnement du règne de l’omerta, les violations des droits de l’homme font légion ; la défense et la protection de ces droits paraissent comme un luxe et peuvent devenir des soucis de seconde zone. La fraude électorale fausse les règles du jeu démocratique.

La réalité de cette déviation pour contourner le jeu démocratique est vérifiable au Mali. La fraude électorale a donné un coup fatal à la politique en discréditant l’homme politique et l’Etat, dont l’autorité en a pris un coup fatal. A qui d’autre, attribuer la responsabilité des effets pervers et démocraticides de la fraude, dont la mal gouvernance, la faillite de l’Etat, le ruine de l’économie nationale concurrencée par des économies criminelles, sinon qu’à la classe politique malienne?

Les partis politiques qui violent en toute impunité la charte des partis politiques (loi 00-045 du 07 juillet 2000 modifiée par la loi N°05-047 du 18 août 2005, portant Charte des partis politiques au Mali), « cadre moral et juridique régissant la formation, le fonctionnement et le financement des partis politiques », sont comptables à part entière de la situation du chaos de la nation malienne. Il faut repenser le mode d’emploi des partis politiques, les redresser pour relever le Mali. Le redressement des partis politiques qui s’impose, consiste au renforcement de leurs missions de formation, d’éducation et de mobilisation, pour rendre prioritaire la sauvegarde de l’Etat démocratique et républicain, la mise en avant de l’intérêt général au lieu des intérêts partisans et personnels.

Les partis politiques acteurs majeurs et incontournables de la démocratie :

 Au Mali, « le 26 mars 1991 constitue le couronnement de la résistance de notre peuple contre la volonté de l’asservir, un peuple déterminé plus que jamais à bâtir un Etat de Droit et de démocratie pluraliste garantissant le libre choix des dirigeants et le plein épanouissement des droits individuels et collectifs et où seront bannies l’intolérance et la violence politique », stipule le préambule de la loi n° 05-047/ du 18 aout 2005, portant Charte des partis politiques au Mali.

Cadre juridique

La constitution du 25 février 1992

La loi n°05-047 du 18 août 2005, portant Charte des partis

la loi 00-045 du 07 juillet 2000 modifiée par la loi N°05-047 du 18 août 2005, portant Charte des partis politiques au Mali

La Charte des partis qui constitue un cadre moral et juridique pour les partis

politiques au Mali, énonce les principes de formation, de fonctionnement et de financement des partis politiques.

Le préambule de cette loi clarifie : « Les partis politiques remplissent une mission

d’intérêt général, en concourant par les moyens pacifiques et démocratiques à la formation de la volonté politique, ainsi qu’à l’éducation civique des citoyens et des dirigeants ayant naturellement vocation à assumer des responsabilités publiques ».

ARTICLE 2 de la Charte:

Les partis politiques sont des organisations de citoyens unis par un idéal, prenant la forme d’un projet de société, pour la réalisation duquel ils participent à la vie politique par des voies démocratiques. Ils ont vocation à mobiliser et éduquer leurs adhérents, à participer à la formation de l’opinion, à concourir à l’expression du suffrage, à l’exercice du pouvoir et à encadrer des élus.

Echec des partis politiques : forte demande de démocratie, le peuple resté sur sa faim

Le système démocratique instauré en 1991, au prix du sacrifice des martyrs, a fait long feu. Le rêve d’un régime démocratique, qui nous a tant saisis s’est vite transformé en cauchemar.

Notre intelligence et notre vécu ne nous permettent plus d’applaudir l’appareil politique en l’état dans notre pays. Les formations politiques (majorité et opposition) ont pris le raccourci de réduire la POLITIQUE aux seules élections, préférant l’ascenseur de la fraude pour s’arracher des postes électifs, aux niveaux communal et national, y compris à la présidentielle. Quant aux postes nominatifs, on se les négocie, au nom des récompenses ou des arrangements politiques à la petite semaine, sans tenir compte des critères de compétence, de rigueur ou d’honnêteté. QUELLE CLASSE POLITIQUE ! Quelle manière de récompenser les martyrs de mars 1991 !

L’état de détresse et désastreux de notre système éducatif, l’anarchie qui caractérise notre économie, l’injustice sociale dans laquelle survivent nos populations, le développement de la culture de la médiocrité dans l’administration d’Etat, la culture des antivaleurs (clientélisme, népotisme, corruption, détournement de deniers publics…), des pratiques dont nul ne peut rester digne et en être fier, ont prospéré dans un environnement où des partis politiques ont dévié de certaines de leurs missions (mission d’intérêt général : mobiliser et éduquer leurs adhérents, l’éducation civique des citoyens et des dirigeants), mettant en péril la jeune démocratie malienne. Le Mali, les Maliennes et les Maliens sont ridiculisés, toutes et tous réduits à raser le mur dans le concert des nations. L’heure est venue de ne plus pouvoir s’y accommoder.

En 61 ans d’indépendance, la marche en avant de notre pays a été largement sclérosée par les antagonismes entre obédiences politiques : PSP- US RDA ; UDPM- MOUVEMENT DEMOCRATIQUE, souvent au détriment des questions essentielles et même existentielles, quand le pays brûle. Feu le Président Amadou Toumani Touré (Paix à son âme) fit de son mieux pour rassembler (notamment PSP et US-RDA). Mais quand aux frères maliens de l’UDPM et du MOUVEMENT DEMOCRATIQUE, les démons politiques identitaires se réveillent toujours et déterrent les vieilles haches rouillées, pour une nouvelle guerre des titans. Le caractère infécond de telle restauration identitaire est-il à démontrer?

Trente ans après l’avènement du multipartisme, qu’est ce qui ne marche pas dans notre rêve collectif de démocratie ?

Le foisonnement des partis politiques (plus de 230) n’a pas été un indicateur de

bonne santé démocratique, la plupart visant une rentabilité économique, tel un Groupement d’intérêt économique (GIE), cf. Article d’enquête : « Mali-Niger-Burkina FASO / partis politiques et faillite des Etats : quand le financement public nourrit les hommes politiques et tue la démocratie »

 Trois coups de forces (mars 2012 ; août 2020 ; mai 2021), qui traduisent

suffisamment la faiblesse et la médiocrité de la classe politique, conséquence de son émiettement et de l’opportunisme politique, la dominance des intérêts partisans (esprit GIE);

L’insécurité galopante qui serre l’étau autour de la capitale, mais certains partis

politiques peuvent exceller dans des scènes de positionnement, avec comme objectif, parvenir au pouvoir à n’importe quel prix ;

Certains partis politiques ne vivent que pour arracher le pouvoir, utilisant des

moyens de déstabilisation entre deux élections, et la fraude électorale lors des scrutins. Combien de partis politiques procèdent de la formation et l’éducation citoyenne, telles qu’indiquées par la loi, et ne fraudent pas ? Ils ont réduit leur raison d’être, à la conquête du pouvoir et sont devenus « uniquement des machines électoralistes » ;

La fraude électorale est une rupture de la légalité avec effet de rompre l’égalité

des citoyens dans la compétition pour accéder aux postes électifs et de nomination ;

A l’évidence, il y a un divorce entre la classe politique et la population, qu’elle

mobilise désormais difficilement ; les Maliens (femmes et jeunes, notamment) prenant conscience qu’ils sont utilisés pour servir de bétail électoral, alors qu’ils sont en réalité, l’avenir et le devenir de la nation.

Il ne s’agit nullement d’une malédiction liées à la démocratie multipartite instaurée dans notre pays en 1991, mais à la déviation, la déformation, la manipulation et l’utilisation abusive qu’en ont fait certains acteurs politiques, qui ne voient midi qu’à leur porte, au détriment de l’ensemble national.

Plusieurs partis politiques ont payé en monnaie de singe, l’Etat malien, n’ont pas utilisé pour les besoins de la cause, l’argent du contribuable qui leur a été alloué au titre du financement public des partis politiques. Ils ont détourné de ses objectifs l’aide publique aux partis politiques devant leur permettre de :

participer à la vie politique par des voies démocratiques ;

mobiliser et éduquer leurs adhérents, à participer à la formation de l’opinion ;

concourir à l’expression du suffrage, à l’exercice du pouvoir et à encadrer des élus (Charte des PP Article 2) ;

Remplir une mission d’intérêt général, en concourant par les moyens pacifiques et démocratiques à la formation de la volonté politique, ainsi qu’à l’éducation civique des citoyens et des dirigeants ayant naturellement vocation à assumer des responsabilités publiques (Charte des PP Préambule)..

Pour les besoins de la cause, l’État malien a accordé aux partis politiques :

3 374 442 789 en 2018 ;

2 695 491 280 en 2017 ;

2 236 337 114 en 2016.

Le montant de 2019 est de 2 953 996 250 FCFA, que les partis politiques n’ont pas encore perçus.

Le montant cumulé de financement des partis politiques de 2001 à 2019 est de 28 933 848 944 FCFA.

L’heure est grave

Notre outil de défense nationale dans son rôle de défendre l’Etat, a réagi successivement en 1968, 1991, 2012 et 2020 pour mettre fin à un régime en mal d’autorité et incapable d’asseoir l’ordre institutionnel. Quel est l’état des lieux de la situation sociopolitique du Mali et le rôle joué par les acteurs politiques en ces dates précises ? Les acteurs politiques (majorité et opposition) sont-ils exempts de tout reproche dans le délitement de l’Etat, compte tenu de leurs divergences subjectives prononcées, liées à des intérêts égoïstes et partisans, qui ne leur permettent pas la conjugaison des efforts pour surmonter les défis communs, les crises actuelles et futures, en se rassemblant autour d’un minimum commun essentiel ?

Sans tenter de les justifier, n’est-il pas clairement visible que certaines interventions militaires en Afrique arrivent parce que les conditions ont été réunies par des agissements, des antagonismes contreproductifs au sein de la classe politique, liés à des projets politiques incertains et divergents. Ainsi les plus récents coups d’Etat (2012 et de 2020) n’arrivent pas dans un contexte seulement de contraintes sécuritaires, mais aussi de profondes divergences politiques.

Fraude électorale égale coup de forces; Mettons balle à terre !

Là où le coup d’Etat militaire peut être cité parmi les fléaux pour la démocratie en Afrique, a également droit de citer la fraude électorale, avec à la manœuvre des partis politiques, pourtant acteurs majeurs de la démocratie. Impénitente fraude, aussi malicieuse que pernicieuse, et aussi périlleuse que le putsch. Celui-ci est d’ailleurs souvent bien accueilli et applaudi par les populations:

Novembre 1968, le coup d’Etat intervient lorsque le pouvoir en place avait suspendu la constitution et le parlement ;

Mars 1991, le coup d’Etat met fin aux tueries et parachève l’action des forces démocratiques ;

Avril 1997, annulation du scrutin par la cour constitutionnelle, consécutive à la fraude massive avec à la manœuvre, des partis politiques;

Avril 2020, fraude massive entrainant des contestations post-électorales et une situation explosive : dissolution de l’Assemblée nationale, remembrement de la cour constitutionnelle, mise en place d’un gouvernement de six membres. Les conditions étaient ainsi réunies pour un coup d’Etat en douceur sans effusion de sang.

Mardi 18 Aout 2020, intervention militaire, écartant le président IBK

Ainsi, eu égard à l’ampleur de l’épidémie de la fraude électorale et des acteurs impliqués, il est tout à fait possible d’établir un parallèle, de par leurs conséquences néfastes sur la démocratie, entre des militaires putschistes d’une part, et des acteurs politiques, qui usent de la fraude pour assouvir leurs prétentions à gouverner, d’autre part. Quelle autre considération pour le peuple, peuvent avoir de telles formations politiques, que la traite du « bétail électoral » ?

Notre peuple, dont l’expression de la volonté est constamment prise en otage, lors des élections, a besoin de se libérer. Des moyens (achat de conscience, manipulation des opinions…) sont utilisés à dessein pour le réduire, faute de formation et d’éducation civique adéquates, en état de bétail électoral. Il est à chaque fois, spolié de son choix, faussant ainsi les règles du jeu démocratique.

Le peuple malien a besoin de se libérer de la dictature des partis politiques ! Quand la volonté populaire ne prévaut pas, le pouvoir qui en résulte ne peut guère être légitime, car comment ne pas dresser un lien entre légitimité et crédibilité des élections ? Le Mali pluriel de ses 230 partis politiques peut-il ne pas pouvoir se sortir du coup d’Etat électoral permanent, dont les putschistes sont anormalement des partis politiques, alors que ceux-ci devraient plutôt promouvoir la culture démocratique et préserver leur rôle d’acteurs majeurs et incontournables de la démocratie ? Hélas, ils organisent et exécutent le hold-up électoral, avant de crier « aux fraudeurs !». La dérive est totale, le paradoxe aussi ! Le voleur crie : « au voleur ! »

Les partenaires du Mali, bilatéraux et multilatéraux ne doivent plus cautionner des gouvernants qui tirent leur légitimité d’élections frauduleuses, qui bernent leur peuple pour accéder au pouvoir et qui se servent dans son exercice. Les appuis extérieurs, qui proviennent de contributions de citoyens de ces pays, méritent qu’on y voue une gestion parcimonieuse et efficiente.

S’étant muée en opératrice de la fraude, la classe politique doit faire son mea culpa et demander pardon au peuple malien pour le crime commis de sang froid.

Des élections remportées sur la base de fraudes, de tripatouillages ou du « troisième tour électoral » au niveau des juges électoraux, scellent le nœud gordien de la mal gouvernance à travers des autorités illégitimes, ainsi imposées au peuple. Quel contrôle parlementaire peut-elle exercer sur le gouvernement, une opposition parlementaire élue sur les mêmes listes que les députés de la majorité ?

La sagesse avérée des neuf sages, mettra à l’abri du recours à la rue, et rendra les décisions de la cour constitutionnelle réellement insusceptibles de tout recours.

Agissons : mesures urgentes de redressement des partis politiques

 Le relèvement de l’Etat malien passe par la reprise de nos partis politiques ! il s’agit de remettre à l’endroit notre démocratie, en redressant les partis politiques, en renforçant leur rôle de formation, d’éducation citoyenne et de mobilisation pour mettre fin aux élections frauduleuses et tripatouillées. Le renforcement des partis politiques passe par un recadrage de leurs missions à travers des reformes touchant aux critères et à la clé de répartition du financement des partis politiques.  

Recommandations

Repenser le mode d’emploi des partis politiques, les redresser et relever le Mali (Administration, acteurs politiques, société civile)

Réviser la charte des partis politiques, pour consacrer 50% du financement des partis politiques, à l’Education civique des citoyens (Etat, partis politiques);

Elaborer et présenter annuellement à l’administration compétente, un plan d’actions et les termes de références y afférents, de formation des militants et des cadres du parti ; d’éducation civique des citoyens ; et de mobilisation pour le renforcement de la démocratie (Etat, partis politiques);

Suivi des activités des partis politiques, au-delà des bilans d’activités présentés à la section des comptes de la cour suprême (Observateurs, société civile);

Mettre fin à l’impunité liée à la fraude ; réviser les textes pour criminaliser les pratiques de fraude électorale, de tripatouillage des résultats, et les juger comme tel (Gouvernement, assemblée nationale, Justice);

Redevabilité à l’endroit des partenaires du Mali, bilatéraux et multilatéraux, qui interviennent dans le processus électoral malien (Gouvernement, représentations diplomatiques).

 Pour le Réseau Media et Droit de l’Homme (RMDH)

 Le président

 Boukary Daou

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