Regards croisés sur les premiers pas de l’Aige !

Après son installation, la formation de ses membres, la passation de charges avec la Délégation générale aux élections, désormais c’est la mise en place de ses démembrements qui cristallisent les regards. L’Aige a-t-elle amorcé son décollage ? Nous avons donné la parole à des journalistes imprégnés des questions politiques. En effet, Laya Diarra du quotidien Le Soir de Bamako, Oumar Barou Sidibé de Renouveau TV et Mahamadou Kane de Radio Kledu, commentent et analysent les premiers pas de l’Autorité.

A son actif, la couverture du processus électoral de plus de deux décennies, Laya Diarra fait de prime abord un rappel du contexte ayant guidé à la création de l’organe unique de gestion des élections.

“Au rythme du travail en cours, on est en droit d’espérer du nouvel organe de gestion des élections au Mali. L’avènement de l’Autorité indépendante de gestion des élections (Aige) participe de la volonté de mise en œuvre des recommandations des Assises nationales de la refondation (ANR). Le nouvel outil résulte du constat sur les insuffisances liées au processus d’organisation des élections. Trop de structures étaient impliquées dans l’organisation du processus électoral au Mali. A côté du ministère de l’Administration du territoire, des structures telles la Céni et la DGE étaient au cœur du processus. Trois décennies de pratique démocratique marquée par l’organisation de différents scrutins n’ont jusqu’ici pas permis d’éviter des contestations électorales. Les contestations des résultats de la dernière élection législative est une parfaite illustration des grandes difficultés rencontrées par les structures en charge de la conduite du processus. C’est en cela que le nouvel organe dont les démembrements sont en cours d’installation peut se révéler une bonne alternative pour la conduite d’un processus transparent, juste et équilibré”, signale M. Diarra en guise de rappel.

Très au fait des questions politiques pour avoir eu à produire des nombreux reportages et conduit des émissions sur le sujet, Mahamadou Kane, journaliste, correspondant de la DW affiche son point de vue. 

“Je dois dire tout d’abord que l’installation des membres de l’Aige a pris énormément de temps. Cette mise en place des démembrements de l’Aige est déjà effective à Bamako. C’est également presque bouclé au niveau des régions et cercles. Il reste maintenant les consulats et ambassades, procédure en cours d’après mes informations. Etant donné que ce sont les responsables de l’Autorité indépendante de gestion des élections qui doivent proposer les dates des futures échéances électorales à commencer par le scrutin référendaire, je crois qu’il aurait été judicieux, voire opportun d’aller pied au plancher avec l’installation des membres de cet organe qui va désormais compter dans l’élaboration et l’issue des scrutins au Mali”, estime M. Kane au regard des faits et gestes de l’Aige.

Journaliste imprégné des questions d’actualité et qui reçoit régulièrement les acteurs politiques, Oumar Barou Sidibé fait des constats : “Je commencerai par dire que l’Aige est en train de s’installer avec beaucoup de volonté. Mais en matière d’organisation d’élections, la volonté seule ne suffit pas. Puisqu’en plus, il faut aussi faire face aux impératifs de temps, de moyens et aussi de légitimité. Et c’est dans cette ambiance animée de défis multiformes que l’Aige centrale a été mise en place, du moins que ses membres ont été nominés”.

Constats tous azimuts 

Interrogé sur la marche actuelle de l’Aige, M. Kane observe : “Pour ce qui est des premiers pas de l’Aige, je crois savoir qu’ils sont à la phase formation, en tout cas pour ce qui est de Bamako. Objectif : les outiller de façon optimale sur la question électorale. Des sessions de formation qui devraient s’étendre sur les régions ainsi qu’au sein des consulats et ambassades. Je crois que là aussi, il faudrait à mon sens, mettre la primauté sur le grand retard que nous accusons déjà sur le calendrier électoral pour proposer un délai raisonnable pour la déroulement de ces sessions de formation à l’endroit des membres de l’Aige au Mali et hors de nos frontières”.

Pour sa part, M. Sidibé relève des impairs qu’il faut régler avant tout. “A la date d’aujourd’hui, il est loisible de constater que l’Aige a du mal à se frayer un chemin. Elle tarde à s’imposer. Elle peine à se déployer sur l’ensemble du territoire national. On ne la sent pas en véritable maître de l’organisation des prochaines élections. Peut-être que cet immobilisme s’explique qu’elle est en train de naître avec des tares congénitales, qui sont, entre autres, la résistance d’une certaine classe politique, l’administration, les moyens techniques et financiers, mais aussi et surtout la lenteur de l’opérationnalisation des territoires et circonscriptions nouvellement créées. Oui, à mon humble avis, elle est balbutiante et a certainement besoin du temps pour être véritablement opérationnelle”, commente-t-il comme pour dire que le chemin est parsemé d’embûches.

En analysant la question, Laya Diarra note une certaine prudence : “A observer les actes qui sont posés chaque jour, il y a lieu d’espérer que l’Aige malgré les réticences apparentes et son rejet par une partie de la classe politique, va donner des gages d’impartialité dans la conduite du processus qui doit conduire au retour à l’ordre constitutionnel normal souhaité par tous. Y compris la communauté internationale qui ne restera pas en marge de l’ensemble du processus. Lors de sa rencontre avec le président de l’Aige, le président de la commission de l’union africaine a rassuré du soutien de l’union qui enverra des observateurs pour suivre le processus”.

Des préalables  

A quand l’effectivité de l’installation des différentes structures de l’Aige ? Nos interlocuteurs posent des préalables. “Les 8 commissaires (ils feront office de chef de département) de l’Aige doivent aussi être désignés. L’accent doit être mis à ce niveau aussi, à mon avis, sur les compétences au détriment des choix de complaisance dans le seul but de satisfaire X ou Y. Il faudrait donc que ce soient des hommes et des femmes à hauteur des enjeux pour conduire le Mali vers un retour à l’ordre constitutionnel avec un premier palier qui se nomme référendum constitutionnel”, fait remarquer Mahamadou Kane.

L’Aige reste une alternative pour des élections crédibles. De son côté, Laya Diarra voit un défi et souci qu’il faut régler au préalable.

“Le grand défi est dans la réalisation d’un consensus entre tous les acteurs pour faire face aux épreuves des élections qui se profilent à l’horizon et dont la première étape constitue le référendum sur le projet de nouvelle Constitution. A ce propos, l’Autorité indépendante de gestion des élections est à pied d’œuvre. Le président Me Moustapha Cissé et son staff technique ne se donnent plus de répit depuis leur installation. L’équipe multiplie les actions en vue de relever le défi. Mais le principal souci des Maliens réside dans la phase de mise en place des démembrements mais également dans la mise à jour des cartes pour l’obtention de la carte biométrique. Cette carte conformément à l’article 77 du code électoral seule va permettre aux citoyens maliens de voter dans les différentes élections en vue”, analyse M. Diarra.

En conclusion dira Laya Diarra, “l’Aige qui est née sous les cendres de la Céni et de la DGE n’a pas droit à l’erreur. Les Maliens l’attendent sur le résultat qu’elle produira au terme des élections dont les enjeux n’échappent à personne”.

A la lumière de ces analyses, on peut dire qu’à l’Autorité indépendante de gestion des élections, le temps n’est le meilleur allié d’où la course contre la montre engagée pour son effectivité.

Alpha Mahamane Cissé pour Maliexpress.net

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