Projet d’Intervention d’Urgence Covid-19 au Mali : Un scandale financier d’1 milliard FCFA en 8 mois de gestion

C’est un audit explosif du Vérificateur général (Végal) sur la gestion du Projet d’Intervention d’Urgence Covid-19 au Mali (PIU Covid-19) qui exhale une odeur de scandale et qui pourrait avoir des conséquences pour l’establishment politico-administratif de Bamako. Cet audit énumère pêle-mêle les dysfonctionnements et les malversations dans la gestion des fonds dédiés au PIU Covid-19 au Mali. Entre dépassements de budget, évasion des fonds et prestataires douteux, entre autres, tout y a passé ; au point qu’il y a eu des irrégularités financières d’un milliard FCFA (1 032 162 037F) en 8 mois de gestion. À compter de la Période du 13 mai au 31 décembre 2020.

Décidemment, la disparition d’un milliard sur les fonds alloués par les PTF (Partenaires techniques et financiers) au Mali suscite la polémique. Le rapport du Végal sur la gestion du PIU Covid-19 fait 90 pages et aligne des dénonciations à donner le tournis.

L’affaire fait mauvais genre. Avec le gouvernement de transition rentré de plein pied dans le processus de construction du ‘’Mali Koura’’ (nouveau Mali), le Vérificateur général a enquêté sur un système de détournement de subventions au sein du Projet d’Intervention d’Urgence Covid-19 au Mali.

Un rapport explosif sur la lutte anti-Covid 

Les premiers éléments de l’enquête mentionnent la surfacturation, des marchés fictifs, d’autres passés de gré à gré, ou encore des irrégularités liées au non-respect des procédures, à la non-justification des avances, à la non-production des états financiers semestriels et au paiement des dépenses du PIU Covid-19 sur les fonds REDISSE III pour plus de 5 milliards de FCFA. Plus grave, sur les paiements effectués sur les fonds REDISSE III par l’Unité de Coordination du Projet (UCP), le montant de 215 801 935 FCFA n’a pas encore été justifié par les structures bénéficiaires. Enfin, une irrégularité financière, portant sur le paiement intégral des marchés Covid-19 dont une partie des livrables n’a pas été réceptionnée, concerne deux marchés dont le montant total est de 2,295 milliards de FCFA.

En bloc, le montant de la supercherie décelé dans la gestion du Projet d’Intervention d’Urgence Covid-19 au M ali, s’élève à plus d’1 milliard de nos francs (1 032 162 037 FCFA) qui n’ont pas été dépensés pour le bien-être de nos populations, face à la pandémie du Covid-19.

Plusieurs personnalité du Projet dont le Coordinateur, Dr Seydou Goïta ; le Spécialiste en Gestion Financière (SGF) Hamady Sissoko ; le Comptable Boubacar Diarra ; ainsi que des cadres de la Direction de la Pharmacie et du Médicament (DPM) et de la Direction Générale de la Santé et de l’Hygiène Public (DGSHP) ont été interrogés par le Bureau du Vérificateur. En effet, les travaux de vérification ont porté sur l’examen des opérations de dépenses, de mobilisation de fonds et de trésorerie effectuées au cours de la période allant de l’entrée en vigueur du Projet, le 13 mai 2020, au 31 décembre 2020, soit huit mois de gestion.

Des irrégularités financières à la pelle

Le Projet d’Intervention d’Urgence Covid-19 au Mali, n’a pas seulement perdu de sa superbe. Il a été vidé de son âme, vendu au diable. Et jusqu’aujourd’hui, son Coordinateur, Dr Seydou Goïta et le Spécialiste en Gestion Financière, Hamady Sissoko, n’affichent qu’une image de ruine et de désolation. Et pour cause : jamais, les gaffes au sein d’un projet du genre au Mali, n’ont atteint un tel degré en si peu de temps : plus d’un milliard volatilisé en 8 mois de gestion.

Jugé, pourtant, stratégique dans le financement de la lutte contre la pandémie du coronavirus dans notre pays, le PIU Covid-19 n’a pas échappé à l’appétit vorace de ses responsables. Le Projet a vite fait de taire ses ambitions. Par petite touche, les responsables ont « sucé » les caisses, érigés le népotisme en mode de gestion. Raison invoquée par les enquêteurs: l’utilisation des fonds du Projet à d’autres fins.

Estimée à plus d’1 milliard de francs CFA, cette manne financière aurait fondu comme du beurre au soleil. L’espoir tant suscité auprès de nos populations, a viré au cauchemar. Et ce n’est pas tout. Loin s’en faut.

Même le Coordinateur du PIU Covid-19, Dr Seydou Goïta et le SGF du projet, M. Hamady Sissoko, ont demandé le paiement intégral et irrégulier d’un marché non totalement exécuté.

Cependant, pour s’assurer de la régularité des demandes de paiement effectuées par le Proget d’Intervention d’Urgence, l’équipe de vérification a analysé les DPD et les dossiers de marchés. Du coup, elle a constaté que dans l’exécution du marché n°24/DGMP du 30 juillet 2020, d’un montant de 650 millions FCFA pour l’acquisition de 200 000 masques (N95 ou FFP2) et de 10 000 kits d’EPI pour la protection des personnes exposées, les membres de la commission de réception ont signé un PV de réception sans réserve alors que les 10 000 kits d’EPI pour la protection des personnes exposées ne figurent pas dans la liste des équipements reçus et distribués par la Direction de la Pharmacie et du Médicament (DPM). Le montant en cause s’élève à 250 millions FCFA correspondant au prix des 10 000 Kits non livrés.

Et comme si cela ne suffisait pas, le SGF du Projet Hamady Sissoko, a effectué des dépenses indues. Ainsi, pour s’assurer de l’éligibilité des dépenses effectuées par le projet lors de l’atelier d’élaboration du Plan de Travail et du Budget Annuel 2021(PTBA 2021), les enquêteurs ont analysé les pièces justificatives des dépenses. C’est ainsi qu’ils ont constaté que le SGF du Projet d’Intervention d’Urgence (PIU), M Hamady Sissoko, a irrégulièrement pris en charge les frais de la pause déjeuner, d’un montant de 2,4 millions FCFA (2 489 500F), en plus du perdiem payé par personne, contrairement à ce qu’indique le manuel d’exécution du projet. En outre, il a payé à 28 chauffeurs qui ont pris part à l’atelier, le perdiem au taux journalier de 30 000 FCFA au lieu de 20 000 FCFA comme prévu par le manuel d’exécution du Projet. Le montant ainsi indûment payé aux chauffeurs s’élève à plus de 2 millions de nos francs (2 180 000 FCFA).

Également, des participants, dont les noms ne figurent pas sur les listes de présence établies lors de l’atelier, ont reçu des perdiems. Ainsi, 7 participants n’étant pas présents durant 7 jours et un participant durant une journée ont reçu 30 000 FCFA par jour de perdiems pour ces jours d’absence, soit un montant total indûment payé de 1,5 million FCFA (1 500 000F). Et comble de la « mangecratie » au Projet d’Intervention d’Urgence Covid, 7 autres personnes au compte du projet, mais absentes du 8 décembre 2020 au 11 décembre 2020 et 6 personnes, absentes le 7 décembre 2020 lors de l’atelier, ont reçu leurs perdiems pour un montant total de 1 million de nos francs (1 020 000 FCFA. Le montant total indûment payé par le SGF du PIU, Hamady Sissoko, s’élève à 7 millions FCFA (7 189 500F).

Entre magouilles et embrouilles

À la soupe chers pots ! Pour se faire des sous lors des marchés covid-19, des chefs de services des impôts ont procédé à des mises en scène. En effet, lors des vérifications, les enquêteurs ont décelé que les services des Impôts ont minoré des droits d’enregistrement et la redevance de régulation sur des marchés. En calculant les droits d’enregistrement et la redevance de régulation, les services des Impôts ont détaxé le montant des marchés passés dans le cadre du Covid-19 alors que ceux-ci ont été conclus hors taxes. Cette irrégularité a entraîné une minoration de recettes pour l’État d’un montant de 31 millions FCFA (31 061 251F) au titre des droits d’enregistrement et de 5 millions de nos francs (5 033 361F) au titre de la redevance de régulation, soit un montant total de 36 millions FCFA (36 094 612F).

Pendant ce temps, le Coordinateur du PIU Covid-19, le Dr Seydou Goïta et le SGF, M. Hamady Sissoko, ont demandé le payement des marchés dont les droits d’enregistrement et la redevance de régulation n’ont pas été payés. Le Coordinateur du PIU et le SGF du Projet, ont demandé le payement des marchés alors que les droits d’enregistrement et la redevance de régulation n’ont pas été payés sur des marchés de fournitures conclus par l’UCP (Unité de Coordination du Projet) avec des prestataires étrangers ou des organismes internationaux. Or, lesdits marchés ont été numérotés à la DGMP-DSP, exécutés et payés (en paiement direct par la Banque Mondiale au nom de l’Union de Coordination du Projet Covid-19 au Mali) sans que les fournisseurs n’aient payé ni les droits d’enregistrement, ni la redevance de régulation. Les montants des droits d’enregistrement et de la redevance de régulation sont évalués par les enquêteurs, respectivement de 136,3 millions FCFA (136 349 538F) et de 22,7 millions de nos francs (22 724 923F), soit un montant total de 159 millions FCFA (159 074 461F) de recette non perçue par l’État.

Aussi, le Spécialiste en Gestion Financière du PIU Covid-19, M. Hamady Sissoko, n’a pas exigé, des services bénéficiaires, le remboursement des avances non justifiées.

De l’analyse des pièces de dépense par les vérificateurs ainsi que les grands livres et les balances générales des comptes de l’Unité de Coordination du Projet, il apparaît que le Spécialiste en Gestion Financière du PIU Covid-19, Hamady Sissoko, responsable du Comptable du Projet Boubacar Diarra, n’a pas exigé, des bénéficiaires, le remboursement des avances non justifiées comme il ressort du compte 471110 « Justification des Avances Structure entités de mise en œuvre » à l’issue des opérations ci-après : une avance de 21 327 930 FCFA faite à la Direction de la Pharmacie et du Médicament, le 15 octobre 2020 ; un reliquat non justifié de 610 000 FCFA sur des avances faites à la Direction Générale de la Santé et de l’Hygiène Publique (DGSHP) et relatif à l’atelier de paramétrage des formulaires et des indicateurs de motivation des cas de Covid-19. Le montant total des dépenses non justifiées s’élève à 21,9 millions de nos francs (21 937 930 FCFA).

Des deals au sommet…

À en croire le rapport d’enquêtes du Vérificateur, le SGF du Projet d’Intervention d’Urgence, M. Hamady Sissoko, n’a pas mobilisé la garantie bancaire de l’avance d’un fournisseur défaillant.

Le contrat du marché n°00011/C/2020/DGMP pour l’acquisition de 78 moniteurs et de 78 défibrillateurs conclu le 19 juin 2020 avec Philips Medical Systems pour un montant de 433,9 millions FCFA (433 997 848F) stipule en son point 9.1 que : « 30% du prix total du contrat seront versés cinq jours après la signature de ce contrat en contrepartie d’une garantie bancaire de montant équivalent et valable jusqu’à la livraison du bien ».

Selon les conclusions de l’équipe de vérification, le SGF monsieur Sissoko, n’a pas mobilisé la garantie d’avance de démarrage d’un fournisseur défaillant. En effet, il a payé au titulaire du marché n°00011/C/2020/DGMP du 19 juin 2020 relatif à l’acquisition de 78 moniteurs et de 78 défibrillateurs, une avance de démarrage d’un montant de 170,8 millions FCFA (170 855 440F) représentant 40% du montant global dudit marché. Le calendrier de livraison était de 20 unités le 1er août 2020 et de 50 unités entre le 30 novembre et le 05 décembre 2020. Cependant, au passage de l’équipe de vérification le 26 février 2021, le fournisseur n’avait effectué aucune livraison et le SGF du PIU Covid-19, Hamady Sissoko n’a pris aucune disposition pour mobiliser la caution bancaire du titulaire du marché.

En outre, précisent les enquêteurs, le Coordinateur du PIU Covid-19, le Dr Seydou Goïta et le Spécialiste en Gestion Financière du Projet, M. Hamady Sissoko, n’ont pas ouvert de compte d’intérêt pour les fonds. Cependant, l’équipe de vérification révèle que le SGF de l’Unité de Coordination du Projet, le sieur Sissoko, n’a pas suggéré, l’ouverture de compte d’intérêt pour loger les fonds dont la première tranche reçue le 10 juin 2021 s’élève à plus de 3 milliards FCFA (3 800 000 000F) quand bien même que les documents commerciaux de ladite banque permettent l’ouverture d’un compte d’intérêt rémunéré à un taux minimum de 3,5% l’an. À la date du 31 décembre 2020, le solde du compte étant de 3,5 milliards (3 551 647 834 FCFA), le projet devrait bénéficier d’au moins 73 018 159 FCFA pour le semestre avec le taux d’intérêt minimum appliqué par la banque qui abrite le compte. De plus, il y avait la possibilité de faire un DAT (Dépôt à terme) avec une partie du montant sur un semestre avec une rémunération de 4,87%.

Par ailleurs, le Coordinateur du Projet Dr Seydou Goïta, a payé des avances restées non justifiées par les bénéficiaires. Selon le rapport d’enquête, sur des ressources REDISSE III utilisées pour préfinancer des activités du Covid-19, certaines structures n’ont pas justifié un montant total de 215,8 millions de nos francs (215 801 935 FCFA) sur des fonds mis à leur disposition afin de faire face à des dépenses dans le cadre de la prévention et de la lutte contre la pandémie du Covid-19. Il s’agit du Centre National d’Information d’Éducation et Communication pour la Santé pour 16 140 100 FCFA ; de l’Institut National de Santé Publique pour 182 464 888 FCFA ; de la Fédération Nationale des Associations de Santé Communautaire (FENASCOM) pour 13 146 513 FCFA ; de la Plateforme « One Health » pour 4 050 434 FCFA.

Du côté de la DPM (Direction de la Pharmacie et du Médicament), le dirlo Dr Yaya Coulibaly, a procédé à des sorties d’intrants Covid-19 non reçus par les destinataires. La faiblesse du suivi dans l’acheminement des intrants Covid-19 à partir de la DPM a exposé le PIU Covid-19 à des détournements, ce qui a affecté l’efficacité de ses activités.

Selon les enquêtes du Vérificateur, des intrants de la lutte contre la Covid-19 sortis des magasins de la Direction de la Pharmacie et du Médicament, suivant des bordereaux d’envoi, et destinés aux régions de Kayes, Kita, Koulikoro et Ségou n’ont pas été réceptionnés par les destinataires. En effet, les limiers du Végal ont découvert des écarts entre les quantités envoyées et les quantités réceptionnées. Le montant en cause s’élève à 98,19 millions de nos francs (98 190 000 FCFA). Pire, certains intrants réceptionnés, d’un montant de 250 millions de FCFA, n’ont pas de trace à la DPM. Pourquoi ? Seul le dirlo de la Pharmacie et du Médicament, Dr Yaya Coulibaly, pourrait y répondre. Du moins, à l’heure actuelle.

Bref, le Projet d’Intervention d’Urgence Covid-19 au Mali a été sacrifié sur l’autel d’intérêts égoïstes. Autrement dit, la caisse du projet a subi une saignée financière d’un milliard de francs CFA (1 032 162 037F).

En réalité, cette mauvaise gestion est le fruit d’un système bien huilé, mis en place par le « prince » du Projet d’Intervention d’Urgence Covid-19 au Mali, en abrégé PIU Covid-19.

Selon ce système, les responsables du Projet veillent aux « bons soins » de leurs pots et de leur propre personne: enveloppes de fin du mois, marchés de gré à gré, bons de carburant à gogo, voyages à l’étranger et autres cadeaux en nature. Du moins, s’ils veulent éviter les « ennuis ».

Face à de telles pratiques qui ont occasionné une perte sèche de plus d’1 milliard de francs CFA à l’État malien, les enquêteurs du BVG, à l’unanimité, exigent à ce que le Coordinateur du Projet d’Intervention d’Urgence Covid-19 au Mali, Dr Seydou Goïta ; le SGF du Projet Hamady Sissoko ; le DG de la Pharmacie et du Médicament Dr Yaya Coulibaly et leurs complices rendent à César ce qui n’est pas à eux. Et cela dans un bref délai. Du coup, ces responsables et leurs complices sont dans la tourmente.

Donc, affaire à suivre et à poursuivre !

Source : Nouveau Réveil

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *