ORTM : Salif Sanogo, l’adieu du chef d’orchestre !
Les téléspectateurs l’ont appris, avec étonnement, le soir du mercredi 03 février, Salif Sanogo n’est plus le Directeur général de l’Office de Radiodiffusion et Télévision du Mali (ORTM). Il a été limogé et remplacé par un ancien collègue.
« Celui qui veut diriger l’orchestre, doit tourner le dos au public ». Le coach gabonais Fr Rhan Brunet AngwéMintsa, auteur de cette citation, avait sans doute raison. Mais à l’ORTM, groupe média public, Salif Sanogo avait réussi à faire face aux publics maliens tout en dirigeant fermement son orchestre. D’ailleurs, son limogeage annoncé, à l’issue du dernier Conseil des ministres, serait dû à son attachement à faire la télévision nationale la vitrine du Malien tout court, dans un pays où la tradition veut que les 30 premières minutes du journal soient consacrées à son « Excellence M. le Président ».
« J’étais effondré quand j’ai appris la nouvelle », se confie un responsable à l’ORTM. Et de continuer : « le pire, c’est que le ministre l’appelé seulement après le Conseil de ministre pour lui dire qu’il n’est plus Directeur général de l’ORTM ». Dans la cour de l’ORTM, bruyante d’ordinaire, c’était le silence de cimetière. «On se demandait tous « mais pourquoi ? », poursuit notre interlocuteur l’air absent.
« C’est un scandale ce qui s’est passé », se plaint le directeur d’un journal privé. La chance du ministre, ajoute-t-il, c’est d’avoir choisi « Éric ». De son vrai nom Alassane Diombélé, journaliste et ancien présentateur vedette à la télévision nationale, Éric était jusqu’à cette nomination chef de Cabinet du ministre de la Communication Hamadoun Touré qui vient de le propulser à la tête de l’ORTM. « Personne ne peut faire comme Salif. Ce n’est pas facile de parler de lui sans frustrer le nouveau DG », indique notre interlocuteur justifiant son désir de garder l’anonymat.
« Salif c’est un grand bosseur ! »
Nommé en décembre 2018 à la tête de l’ORTM, Salif Sanogo avait pour principale mission de rapprocher les Maliens de leur télévision nationale.Le journaliste, auparavant chef du bureau BBC Afrique à Dakar, s’est attelé à la tâche. « Je retiens de Salif que c’est un grand bosseur ! », assure un agent à l’ORTM. « Quand le chef est au bureau avant tout le monde et qu’il repart après tout le monde, tu n’as pas le choix ; tu te mets au travail », affirme-t-il. Conscient du rythme et surtout de la rigueur imposée à ses agents, le manager doublé du bon leader a instauré une culture de récompense.Le titre du Meilleur agent de l’année est décerné lors de la Rentrée radiophonique et télévisuelle instituée depuis deux ans.
Plusieurs innovations ont été opérées à la télévision nationale sous Salif Sanogo. Le Journal de 20h désormais calibré à 40mn. Cette grande édition est présentée dans un studio numérique construit à 200 millions FCFA sur fonds propre. Les stations régionales sont en passe de devenir des télévisions régionales avec des programmes autonomes. Ségou a ouvert le bal avec un studio entièrement rénové et équipé dont l’ouverture officielle était déjà programmée.
A la Chaîne 2, la radio filmée est une réalité. Bientôt, des émissions radiophoniques seront diffusées à la télévision. Les stations dans les nouvelles régions administratives sont équipées et fonctionnelles. A Kidal, la station régionale a été récupérée des mains des groupes armés qui en avaient pris le contrôle depuis mars 2012. Alors que la construction de la tour de l’ORTM était suspendue à la première pierre posée par le président ATT, Salif a su peser de tout son poids pour permettre à l’hôtel des Finances de débloquer le fonds nécessaire au démarrage des travaux, toujours en cours.
Salif… un visionnaire !
Salif Sanogo, c’est avant tout une voix. Une voix aussi imposante que son physique qui a bercé des millions de téléspectateurs. Au début des années 2000, le journaliste avait réussi, dans son émission CyberNTIC, à présenter les derniers progrès technologiques du pays à des millions de Maliens. Et surtout à leur apprendredes notions de base de l’informatique. Une émission encore diffusée sur la télévision nationale.
« Vous savez, Salif est un visionnaire », confie un de ses compagnons de longue date à l’ORTM. Il y a quelques semaines, nous avons signé un partenariat avec la Radiodiffusion télévision ivoirienne (RTI). Un accord qui permet les échanges de programmes et surtout de mutualiser nos efforts. Avec cet accord, un journaliste de l’ORTM se rend seul en Côte d’Ivoire. Il trouve à la télévision nationale sœur tout le matériel et les ressources humaines nécessaires pour son reportage. Vice-versa.
Le même accord a été trouvé et devait être signé avec les télévisionsnationales du Sénégal et de la Guinée. « Si vous suivez l’ORTM en ce moment, vous verrez une bande dessinée et un feuilleton chinois », a indiqué notre interlocuteur. C’est le fruit d’un partenariat à bénéfices multiples pour l’ORTM et ses agents avec l’ambassade de Chine. « Ce qui est bien, c’est que le Japon veut aussi coopérer avec nous. Nous avons rencontré l’envoyé de l’ambassadeur mardi dernier ».
Avec Salif, la télévision nationale a été rapprochée du Malien lambda. On se souvient, il y a quelques semaines de l’histoire du livreur de repas. Ce sexagénaire a été suivi sur son vélo par un journaliste dans son activité quotidienne de livraison de repas. Pour aller plus loin avec son concept de télé de proximité, Salif avait conçu un projet dont la première phase devait être exécutée à Kayes du 22 au 28 février. Pendant, une semaine toutes les émissions phares de l’ORTM – télévisions et radios – devaient être réalisées et diffusées à partir de la première région administrative du Mali. « Il y aura des pertes avec ce départ brusque. Il reste à savoir jusqu’où iront les dégâts », conclut avec un air déçu notre interlocuteur.
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