Mali: Ibrahim Boubacar KEITA tire sa révérence dans la grande douleur des sanctions de la Cedeao, la junte militaire résiste
Ibrahima Boubacar Keïta, l’ancien Président malien décédé dimanche 16 janvier 2022 dans sa résidence à Bamako, est parti au moment où son pays traverse une passe rendue plus difficile par des sanctions de la Cedeao inhérentes à sa chute en août 2020. Ironie du triste sort, les Chefs d’état qui composent la Communauté des États de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) ne pourraient manifestement pas faire le déplacement pour assister à ses funérailles et lui rendre un hommage digne de son rang. Destin funeste de deux postures antagonistes.
Qui l’eût cru ? La mort subite de l’ex-homme fort de Bamako coïncide avec les ‘’insipides’’ sanctions de la Cedeao contre les autorités maliennes au pouvoir. Celles qui avaient déposé le Vizir de Sebenicoro à la tête du palais Koulouba. À la suite de cette triste disparition d’un grand humaniste et combattant des libertés démocratiques, ses homologues de la Cedeao se trouvent véritablement coincés de ne plus pouvoir faire le déplacement à Bamako afin d’assister à ses obsèques. Ses proches amis dont le plus en vue est le Président Macky SALL se sont réduits à livrer des messages virtuels. Outre le Sénégalais Macky Sall, l’Ivoirien Alassane Ouattara, l’ancien président nigérien Mahamadou Issoufou, ont tous « twitté » pour dire leur tristesse après cette disparition.
Le 9 janvier dernier à l’issue du 4e sommet extraordinaire de la l’instance ouest-africaine, il a été décidé la fermeture des frontières entre le Mali et les États membres de l’organisation, le gel des avoirs maliens au sein de la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (Bceao), la suspension de toute aide financière des institutions financières de la Cedeao, la suspension des transactions avec Bamako.
La junte militaire malienne désamorce l’artillerie
Des mesures drastiques vivement contestées par les militaires en place, par des voix autorisées, sur les réseaux sociaux mais surtout par les Maliens eux-mêmes qui se sont mobilisés massivement le vendredi 14 janvier 2022 presque partout dans le pays. De Tombouctou à Gao, de Sévéré à Bamako.
IBK, né le 29 janvier 1945 à Koutiala a entamé sa présidence en septembre 2013 avec 78% des voix sur son adversaire, l’ancien ministre des Finances Soumaïla Cissé lui aussi décédé après une longue prise d’otage.
Le Kankeletigui (l’homme qui n’a qu’une parole) qui promettait de sécuriser et «restaurer l’honneur » de son pays n’a pas réussi sa mission. Il s’est essayé à tout.. Il proclamait «une certaine idée du Mali» qui n’a pas été concrétisée dans les faits. Son règne a été marqué par une division inédite du Mali, des déchirures, une crise sans commune mesure avec son lot de victimes, un tourbillon d’instabilité sur fond de rebellions djihadistes.
À cela s’ajoute une gestion marquée par une corruption et une gabegie abyssales. Ce qui a accentué une situation sociale tendue et accélérée par la pandémie de la Covid-19 en 2020 qui a fini de mettre à terre une économie malienne déjà chancelante.
Une situation qui a été à l’origine du «Mouvement du 5 juin » qui s’est mobilisé plusieurs mois durant pour réclamer sa démission. Le coup d’État qui l’a renversé en août 2020 a été suivi d’un deuxième en mai 2021 avec le Colonel Assimi Goïta désormais à la tête du pays.
La décision malencontreuse, inopportune et improductive des Chefs d’État de la Cedeao contre les nouvelles autorités maliennes n’a fait que balafrer davantage la situation politico-militaire de la région du Sahel.
L’opposition malienne et la société civile africaine ont donné de la voix pour fustiger ces sanctions contre le Mali. Et voilà que la Cedeao est tétanisée subitement par la mort d’un grand humaniste qui entretenait de bons rapports d’avec plusieurs Chefs d’État de l’organisation. Le revers de la médaille. Entre passer l’échafaud au cou de Assimi Goita, la gestion de cette crise et la disparition d’IBK, tout s’est joué en quelques jours. Silence éternel. Ibrahim Boubacar KEITA connu sous le célèbre sobriquet Boua a tiré sa révérence, le Mali s’engage à survivre. Triste destin!
Par Hugues DESORMAUX (Confidentiel Afrique)