L’armée malienne a eu 60 ans le 20 janvier 2021 dont 34 ans au pouvoir
Créée le 20 janvier 1961, soit moins d’un an après l’accession du Mali à la souveraineté, l’armée malienne a aujourd’hui 60 ans d’existence, suffisants, certes pour atteindre une certaine maturité, mais ce temps s’il est fait des hauts, il n’en demeure pas moins qu’il est également fait de beaucoup de bas, ternissant souvent son image. Ce bel outil conçu par les pères de l’indépendance afin qu’il soit notre dernier rempart dans un monde en proie à toutes les convoitises et incertitudes, s’est malheureusement mû en armée du pouvoir et celapendant 34 ans. Elle bat le record de coups d’Etat avec à son actif quatre, quand certains pays voisins comme le Sénégal n’en a fait aucun. Va-t-elle faire son introspection afin de reconnaitre ses errements et se projeter ensuite vers l’avenir? Et si elle acceptait de s’éloigner de l’arène politique et de se consacrer à sa mission régalienne de défense de la patrie, de la préservation de l’intégrité territoriale et de la sécurisation des personnes et de leurs biens.
En soixante ans d’existence, l’armée malienne a un bilan mitigé, car à quatre reprises elle est descendue sur un terrain qui n’est pas le sien. Et pourtant l’armée du Général Abdoulaye Soumaré était un modèle dans la sous-région, elle concurrençait les grandes armées comme celle de l’Algérie par ses prouesses. Elle incarnait également des valeurs véritablement républicaines et patriotiques jusqu’au 19 Novembre 1968, quand une junte militaire composée des jeunes lieutenants et quelques capitaines, conduite par le Lieutenant Moussa Traoré, avait fait irruption sur la scène politique en s’emparant du pouvoir. Le premier Président du Mali indépendant, le panafricaniste, le visionnaire, l’anti impérialiste, Modibo Keita sera arrêté et emprisonné. La suite est connue, Modibo Keita meurt dans des conditions jusque-là non élucidées. Cette irruption de l’armée sur l’arène politique a eu deux conséquences majeures, la politisation à outrance de l’armée et le bâillonnement de toutes les voix discordantes. Toute opposition est systématiquement réprimée, ce qui entraina une véritablement fuite des cerveaux vers des horizons plus épanouis,plus tranquilles et où la liberté d’expression n’était pas mise entre parenthèses, comme ce fut le cas du Mali. Cette situation a duré pendant 23 longues années, avant que le vaillant peuple malien n’ait pris son destin à deux mains en s’érigeant comme un seul homme contre la soldatesque. Le 26 Mars 1991 a été le couronnement deses longues années de lutte contre la dictature du Lieutenant devenu Général. Moussa Traoré sera arrêté par d’autres officiers. Après cet épisode peu reluisant, l’armée avait juré de ne plus se mêler de la chose politique et de se consacrer à sa mission régalienne. Mais vingt et un, 21 ans plus tard, profitant d’un affaiblissement du régime d’ATT, elle s’est encore mutinée un 22 mars 2012, ne trouvant aucune résistance en face, elle s’est emparée encore du pouvoir. Le capitaine Amadou Haya Sanogo et ses compagnons d’infortunes, sans aucune expérience ont imposé leur volonté pendant un certain temps avant de céder sous la pression de la CEDEAO. Alors qu’on pensait avoir vaincu le signe indien après le troisième coup d’Etat, en 2020 une autre junte, celle des Colonels, avec à sa tête Assimi Goita, avait profité de la vaillante lutte d’une partie du peuple, qui en avait ras le bol du régime IBK, pour s’emparer encore du pouvoir politique. Le soixantième anniversaire a été célébré quand le pays est en coupe réglée des colonels, qui dirigent le pays d’une main de fer.
Quatre coups d’Etats en 60 ans, soit une moyenne d’un coup d’Etat tous les 15 ans. Ce tableau peu reluisant, voire sombre, ne peut guère être une bonne réputationpour une armée, qui voit son image ternie par ses multiples irruptions sur le terrain politique. Surtout qu’aucun des quatre coups d’Etat n’a apporté des solutions aux problèmes qui assaillent le Mali depuis l’indépendance.
L’armée malienne doit faire son autocritique avant de tirer la conclusion qu’elle ne serait jamais une armée d’élites tant qu’elle va continuer à s’inviter sur la scène politique. Donc le soixantième anniversaire de sa création, loin d’être festif, devrait plutôt lui permettre de reconnaitre tous les torts et abus qu’elle a commis, de s’éloigner de l’arène politique et enfinde se projeter vers l’avenir.
Souce: Inf@sept