Insalubrité à Bamako : A la recherche d’une gloire perdue

Classée 16e ville la plus sale sur les 25 villes les plus sales au monde en 2022 par le magazine Forbes, la Ville des Trois caïmans est de moins en moins coquette. S’il incombe aux autorités d’assainir la ville, l’incivisme de certains habitants contribue beaucoup à rendre insalubre la capitale malienne. Entre les tas d’immondices, et les sacs plastiques, nos rues et marchés se transforment en mini-décharges. 

L’insalubrité gagne du terrain. Des dépôts de transit qui se transforment en décharges finales en pleine ville. Au Grand marché de Bamako, des tas d’ordures se transforment en montagnes d’ordures çà et là. De “Dabanani” à la Place des artisans, la hauteur des tas d’ordures peut atteindre environ un mètre rendant la route invisible.

“Au désespoir des commerçants, ces déchets peuvent rester des jours sans être évacués”, explique Moussa Bagayoko, vendeur de sacs au marché rose. Les déchets restent entassés. “Les agents des Groupements d’intérêt économique (GIE) mettent souvent 3 voire 4 jours avant de se présenter. Avant, c’était Ozone Mali qui s’en chargeait, depuis un moment, ils ne viennent plus”, se désole M. Bakayoko. Sur les trottoirs, les espaces verts ou encore aux côtés des monuments, le même phénomène est visible le long de la ville.

Ce spectacle désolant qu’offre la cité est la conséquence du manque de politique de traitement des déchets, de moyens techniques, financiers et managériaux digne d’un pays aspirant à la modernité. “Cette situation est due aux autorités”, accuse Sitan Berthé, vendeuse de légumes. Adama Konaté, 3e adjoint au maire de la Commune V, explique que dans le code de la décentralisation, l’assainissement est un domaine transféré aux collectivités territoriales. La mairie est responsable des projets et programmes d’assainissement.

La mairie doit identifier, élaborer, négocier les moyens d’actions et mettre en œuvre toutes les activités concernant l’assainissement. Des simples curages de caniveaux aux évacuations des ordures sont effectués par le département de l’environnement, en lieu et place des collectivités. “Nous sommes confrontés au manque de dépôts de transit, de centres de tris, et de décharges. Tant que l’État ne met pas des dépôts aménagés, à la disposition des communes, le problème persistera. Nous n’avons aucun budget relatif à l’assainissement”, se lamente le conseiller.

Le rapport de gouvernance, des services essentiels de Bamako, explique clairement que le secteur de l’assainissement ne compte pas de gros opérateurs privés locaux ou étrangers, le secteur étant perçu comme non rentable, encombre les affaires municipales de problèmes insolubles de financement.

Bamako ne dispose pas de système global d’assainissement liquide, pour les eaux usées provenant de la consommation domestique. Aucun réseau conventionnel d’égouts n’existe, à part quelques tronçons vétustes datant de l’époque coloniale. Il n’est pas rare de voir des toilettes déboucher directement dans les caniveaux.

Mountaga Danfaga, 70 ans, raconte comment Bamako était coquette du temps de son enfance. “Chacun balayait devant sa cour, du temps de Modibo Kéita, des agents du service d’hygiène passaient à l’improviste pour inspecter chaque coin et recoin des maisons, jusqu’à l’eau dans la jarre. Nos mamans et grands-mamans étaient des femmes propres”.

Il lui arrive, seul, de maugréer contre la dégradation de notre capitale. “Je regrette le temps, déjà lointain, où Bamako apparaissait à l’échelle du continent comme une ville propre et accueillante, une ville qui faisait la fierté de l’ensemble des Maliens”, dit-il pensif.

“Bamako est ce que, nous, populations et autorités en avons fait”, affirme Abramane Maïga, officier de police à la circulation routière. Il n’est pas rare de voir quelqu’un jeter en pleine rue ou chaussée, des épluchures d’orange, une peau de banane, des coques d’arachides, un mouchoir usagé, un sachet ou une bouteille d’eau. D’ailleurs, ce sont ces mêmes personnes qui ne cessent de ronchonner contre la saleté de la ville.

“Il faut infliger des amendes aux acteurs d’incivisme et procéder à une sensibilisation de grande envergure de la population”, soutient-il. Des initiatives comme “Bamako Hivernage Tour” qui est un concours d’assainissement entre les six communes de Bamako organisé par le mouvement “An bi ko”, doivent être encouragées.

L’insalubrité est une source d’insécurité. Dans un communiqué datant de 2016, l’OMS (Organisation mondiale de la santé) révélait que 12,6 millions de personnes à travers le monde sont décédées en 2012 du fait d’avoir travaillé ou vécu dans un environnement insalubre.

Fatoumata Sira Sangaré

(stagiaire)

Source : Mali Tribune 

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