Discours du Mali à la 77ème assemblée générale de l’ONU : Bamako doit-il redouter des représailles ?

A travers une diatribe déroutante et une véhémence inédite dans le ton, le Premier ministre par intérim, le Colonel Abdoulaye Maïga a mis à nu les tares de gouvernance de certains pays amis du Mali. Ce qui, selon de nombreux observateurs, pourrait lui valoir une politique de représailles venant de l’extérieur.

Même si le ton du discours par le Premier ministre par intérim et son contenu sont fort appréciés par une majorité écrasante des populations maliennes, cette prise de parole de l’Etat malien suscite bien d’appréhensions.

En effet, quand le Colonel Abdoulaye Maïga qualifie de façon répétitive le gouvernement français de « junte française », l’on se perd en conjecture par cette forte riposte. Faut-il rappeler que les autorités ne récoltent là que ce qu’elles avaient semé par l’étiquette de « junte » qu’elles n’ont de cesse collé au pouvoir de Bamako ? C’est donc le principe de la réciprocité dans toute sa rigueur et sa cruauté que le colonel Assimi Goïta vient de mettre à exécution, pour montrer à la face du monde que Bamako n’a aucune leçon de démocratie à recevoir de Paris. Seulement, du point de vue des rapports de forces et des alliances potentielles en jeu, l’on peut redouter que le dirigeant français ne veuille relever le défi de cette humiliation.

En effet, c’est une première dans l’histoire du monde de voir des dirigeants d’une ancienne colonie française qualifier les dirigeants de l’ancienne métropole de junte ayant des visées « obscurantistes ». Par ces propos d’une virulence non voilée, le Mali a-t-il franchi le rubicond de la rupture et de l’offense vis-à-vis des autorités françaises ? Si c’est le cas, à quoi l’Etat malien doit-il s’attendre comme éventuelle conséquences ?

Il semble que le président français, Emmanuel Macron considère ce discours du chef du gouvernement malien comme une « offense grave » qui mérite des sanctions. Quelles peuvent être ces sanctions ? Les experts estiment que Paris peut entreprendre une campagne diplomatique en défaveur des dirigeants maliens. Cela peut aller jusqu’à susciter des sanctions politiques et économiques contre l’Etat malien, qui pourrait être définitivement privée de l’aide française à la coopération, et de l’arrêt du financement de certains projets dans divers domaines.

Mais, il est certain que ces actions de représailles ne sont que des gouttes d’eau dans l’océan du gel de la coopération avec plusieurs partenaires occidentaux du Mali. En clair, pour Bamako, cette politique de rétorsion n’aura pas d’incidence significative sur l’état des finances publiques du Mali. C’est pourquoi à Bamako, l’on ne cesse de dire que « cabri mort n’a pas peur du couteau ». Ce qui n’enlève rien de la pertinence des propos tenus par le représentant malien à cette auguste tribune de l’ONU.

Par ailleurs, les attaques verbales du Colonel Abdoulaye Maïga contre les dirigeants qui modifient les Constitutions de leurs pays pour se maintenir au pouvoir, doit sonner le glas du « deux poids, deux mesures » dans l’exigence du respect des règles démocratiques. Comment peut-on être hostile aux coups d’Etat tout en déroulant le tapis rouge aux dirigeants tripatouilleurs de leurs constitutions pour s’offrir des troisièmes mandats ? La communauté internationale ne doit-elle pas empêcher ce système de « drible de soi-même pour se conserver le ballon », dont sont devenus adeptes Alassane Dramane Ouattara, Faure Gnassingbe, Ali Bongo Ondimba, Obiang Nguéma Mbassogo, Paul Biya, etc ? Certainement, même si la vérité blesse… C’est pourquoi, le président ivoirien ne devrait donc disposer d’aucun argument efficace de représailles contre le pouvoir malien. Même si la Cote d’Ivoire est un partenaire du Mali dans certains domaines économiques ; sans oublier que le pays de Felix Houphouet Boigny abrite près de 5 millions de Maliens sur son territoire…

En outre, Bamako a simplement exagéré en qualifiant le président Mohamed Bazoum comme n’étant pas un Nigérien. Cette prise de position est simplement une dérive verbale regrettable, même si les propos du dirigeant nigérien devenaient de plus en plus hostiles vis-à-vis du pouvoir de transition du Mali. Les fautes diplomatiques de Mohamed Bazoum méritaient t-elles de telles extrémités ? L’on peut en douter. Car, en diplomatie, la réciprocité requiert une certaine mesure et non de la disproportion dans les relations entre deux Etats si proches et si liés. Et, tout cela pousse les uns et les autres à craindre des lendemains diplomatiques sombres entre le Mali et certains de ses nombreux partenaires, quand on sait qu’en Afrique de l’Ouest, les alliés les plus sûrs de Paris sont le Niger et la Cote d’Ivoire. Le Mali va-t-il se retrouver dans une forme d’isolement, en comptant sur l’appui de la Russie et de la Guinée-Conakry ? L’on peut croiser les doigts pour la suite de la transition en cours.

Boubou SIDIBE/maliweb.net

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