11e édition de la journée internationale de la femme: La faible représentativité des femmes, obstacle majeur au processus de paix

A l’instar des pays du monde entier, comme chaque année, à la même période, le Mali va commémorer le 8 mars prochain la onzième édition de la journée internationale de la femme. Actualité sanitaire oblige, le thème retenu pour cette année est « Leadership féminin: Pour un futur égalitaire dans le monde de la Covid19 ». Comme en 2020, cette année encore, on ne devrait pas assister à des grands rassemblements des femmes. Au Mali, c’est surtout la faible représentativité des femmes qui sera en débat lors des échanges sur la journée.

Lors de son point de presse hebdomadaire tenu hier jeudi 4 mars, la MINUSMA a présenté un rapport élaboré par son unité genre sur la participation des femmes aux activités politiques ainsi qu’au processus de paix. D’ores et déjà trois constats ont été dressés comme obstacles à leur participation à ces activités. Il s’agit notamment de la faible représentation des femmes aux pourparlers d’Alger ; leur faible représentativité dans les mécanismes de mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger ; la non effectivité de l’application de la loi 2015-052 accordant un quota de 30% aux femmes dans les postes nominatifs.

Ainsi, dans le gouvernement de transition, en place, seules quatre femmes y figurent sur 25 membres, correspondant à 16%. Dans le Conseil National de Transition (CNT) faisant office de parlement durant cette période, les femmes ne sont qu’au nombre de 32 sur 121 membres soit 26,4%. S’agissant de la représentativité des femmes dans les mécanismes de mise en œuvre de l’Accord issu du processus d’Alger, on observe un léger mieux même si beaucoup reste à faire. A titre d’exemple, le Comité de suivi de l’Accord (CSA) a fait un grand pas en avant en octobre dernier par la nomination de 9 femmes sur ses 29 membres soit 31%.

Au cours de sa 43e session  censée se tenir durant ce mois, il est prévu de faire passer ce chiffre à 12 femmes. Il reste encore d’autres nominations dans les sous-comités du CSA. Concernant la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR) elles ne sont que 5 femmes à y siéger sur 25 membres soit 20%. Le président de cette structure a toujours promis de faire davantage dans ce sens mais jusqu’ici les choses ne semblent pas bouger. Alors que les femmes constituent l’écrasante majorité des victimes des différentes crises qui ont secoué le Mali. L’on sait également que très généralement les femmes sont plus ouvertes à parler de ce qu’elles ressentent aux personnes du même sexe. La situation est bien plus critique à la Commission Nationale Désarmement, Démobilisation et Réinsertion (CNDDR) où l’on ne compte qu’une seule femme sur les 38 membres soit 2,6%. Le constat est similaire dans les différents Mécanismes Opérationnels de Coordination (MOC) où une seule femme figure sur les 700 éléments à Gao soit 0,14%. Dans les autres régions, il n’y en a même pas.

Au niveau des autorités intérimaires dans les régions, beaucoup d’efforts reste à faire. Dans la mesure où l’on ne compte que 14 femmes sur 263 membres  soit 1,4%. Au niveau des communes rurales, elles ne sont que 60 femmes à y siéger sur 210 membres soit 28,57%. Dans les cercles, on ne compte que 9 femmes sur 33 membres soit 27,27%. Pour ce qui est des conseillers spéciaux auprès du gouverneur, seules 2 femmes figurent sur une liste de 12 membres soit 16,66%. C’est dire qu’il y a encore beaucoup à faire sur ce plan. D’ailleurs, selon beaucoup d’experts avertis tant que les femmes de qualité ne seront pas suffisamment représentées dans ce processus de paix ou même dans les organes de transition, les résultats escomptés suivront difficilement.

Il convient de préciser que tout au long du processus de paix au Mali, l’inclusion des femmes n’a pas été une priorité et celles-ci ont été marginalisées pendant les négociations de paix et la mise en œuvre de l’accord. Cette marginalisation a eu lieu en dépit de la mobilisation des organisations de femmes, de la MINUSMA et d’ONU Femmes, et malgré les cadres internationaux à l’instar de la Résolution 1325 de l’ONU, auxquels la communauté internationale et l’État malien ont souscrit.

D’aucuns estiment que la communauté internationale et les parties prenantes au Mali devraient considérer le retard du processus de paix comme une opportunité pour promouvoir la participation des femmes. Cependant, ces opportunités doivent être saisies avant qu’il ne soit trop tard, c’est-à-dire avant que le processus de paix ne produise des effets contraires.

Des textes ratifiés par le Mali garantissant la pleine participation des femmes

A noter que le Mali a pourtant ratifié sans réserves la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), ainsi que le Protocole de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique (Protocole de Maputo). D’ailleurs, la constitution malienne de 1992 garantit l’égalité des droits à tous les citoyens sans distinction de sexe et le Mali a adopté une politique nationale en matière de genre en 2010. En 2012, le Mali a lancé son premier plan d’action national (PAN) pour la mise en œuvre de la Résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies sur les femmes, la paix et la sécurité (PAN 1325). Le deuxième PAN 1325 a été lancé en 2015, pour la période 2015-2017.

Si l’Accord contient des dispositions concernant la protection des femmes et la lutte contre l’impunité, il demeure vague sur d’autres questions relatives au genre, aux droits des femmes et à leur participation au processus de paix. Cependant, certaines avancées semblent avoir été réalisées en 2015. Notamment, l’adoption d’un quota de 30% de femmes parmi les fonctionnaires nommés et sur les listes électorales. Cependant, le Mali est très souvent indexé à cause du retard pris dans l’adoption d’une loi contre les violences basées sur le genre. Un avant-projet existe même s’il est difficile de le faire passer durant cette transition en raison de l’hostilité de certains religieux qui craignent que cette loi n’accorde plus de pouvoir aux femmes. Très souvent, c’est le manque de financement qui se apparait comme l’obstacle majeur à la participation des femmes. Pour ce qui est de la MINUSMA, les projets soumis au Fonds fiduciaire incluent systématiquement un marqueur de genre avec un examen complet de l’intégration genre et distinguent en particulier ceux qui portent sur l’agenda Femmes, paix et sécurité.

Les décaissements de projets, depuis juillet/août 2019, s’élèvent à plus de 4,88 millions de dollars US. En ce qui concerne les projets sur Femmes, paix et sécurité ou avec des objectifs directs sur le genre, environ 1 096 016 de dollars  ont été dépensés pour 6 projets spécifiques, ce qui représente environ 20 % du financement total.

Impact de la Covid sur les femmes

Le rapport provisoire de l’enquête menée par ONU Femmes Mali sur les effets socioéconomiques de la Covid  19, entre octobre et novembre 2020 a révélé que: 79% des entreprises ont subi une diminution ou une perte de leurs revenus, cela touche 83% des femmes et 76% des hommes. 6% des femmes disent avoir perdu complètement leurs revenus contre 4% des hommes. A noter aussi que 30% des entreprises ont déclaré n’avoir reçu une aide de l’Etat depuis le début de la pandémie. Les hommes sont plus nombreux que les femmes à déclarer avoir reçu cette aide respectivement 34% et 26%).

Aussi, 63% des ménages déclarent qu’ils ont décidé d’arrêter, retarder ou réduire certaines dépenses habituelles sous l’effet de la crise sanitaire et de la perte importante des revenus. Les ménages dirigés par les femmes sont les plus nombreux à déclarer avoir pris de telles mesures. 53% des ménages ont arrêté, retardé ou réduit certaines dépenses habituelles pour les enfants, dont 51% des ménages dirigés par des hommes et 61% de ceux dirigés par des femmes.

Source : l’Indépendant

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