DIVORCES : Un fléau persistant dans la société malienne

Au Mali, des dizaines de mariages sont célébrés chaque mois. Cependant, ces unions établies devant un officier d’Etat civil sont pour la plupart fragilisées ce qui conduit inévitablement aux divorces. Cet état de fait est constaté dans plusieurs tribunaux de la capitale malienne mais notre rédaction s’est focalisée sur le cas de la commune I.

Dans la société malienne, le mariage est un acte sacré unissant des personnes de même famille, ou aillant d’autres liens. Contre toute attente, la sacralité de cette union demeure en chute libre. Cela s’explique par le nombre fulgurant de divorces constatés en une année civile dans les différentes juridictions de Bamako. Le constat reste amer ! La société demeure impuissante face au fléau grandissant tandis que le nombre de couple séparé ne cesse de croitre.

Dans une société malienne très à cheval sur la tradition, le phénomène prend de l’ampleur. En la matière, la dissolution judiciaire d’un mariage est obtenue par le divorce qui peut être prononcé soit par entente, soit par rupture commune. Elle est réglementée par les articles 325 du code des personnes et de la famille au Mali. Cependant, le tribunal compétent concernant les cas de divorce est celui du dernier domicile commun des époux ou celui de l’époux défendeur. 

Selon, les statistiques établies en 2020, une source a mis en avant les résultats d’une étude qui avançait le nombre de 140.000 cas de divorces recensés au Mali. En outre, dans le District de Bamako, le taux de divorce serait de 10.000 par ans. La même étude affirme que pour la région de Kayes, les seuls cas recueillis par la justice entre 2000 et 2011 seraient de 1008 cas. Toutefois, ces chiffres sont difficiles à authentifier. Interrogé sur la question, le magistrat Abdrahamane Mahamane Maïga, dira que cette défaillance de statistique fiable est dûe par le manque d’informatisation des services judiciaires. 

Cas de la commune I

En commune I du District de Bamako, la rédaction du média en ligne maliexpress.net après une enquête a recensé 352 cas de divorces confirmés de la période allant du 3 janvier 2021 à décembre 2021. A noter que nous n’avons pas pris en compte les cas de divorces qui étaient déjà en cours et dont les décisions finales ont été prononcées après la publication de cet article. Se basant sur les différentes demandes de divorces formulées, on pouvait nettement remarquer que la plupart provenait des femmes.

Une personne ressource au sein de ce tribunal a estimé que le caractère privé des divorces favorise son émergence car seules les personnes concernées et le juge sont présents. Selon lui, les autorités doivent faire en sorte que les audiences de divorce soient publiques, c’est-à-dire ouvertes à tout le monde. « Malheureusement les audiences pour le divorce sont tenues à huis clos. Si elles étaient publiques, je vous assure que le nombre baisserait considérablement car aucun couple n’accepterait de divulguer son problème devant le grand public ». Notre source affirme cependant que la plupart des causes du divorce évoquées par les parties en conflit sont fallacieuses, bidons et insuffisantes pour prétendre à une quelconque séparation. « L’acculturation et le changement de culture seraient à l’origine de ce que nous vivons aujourd’hui. Il est indéniable de mieux se connaître pour la réussite de toute relation entre des personnes », dira-t-il. Fin connaisseur de la chose, il affirme cependant avec certitude que la durée de certains mariages ne dépassait pas les six (6) mois. Une information à la fois incroyable et inconcevable. Toutefois, notre interlocuteur pense que ce fléau pourrait connaître une baisse significative si chaque partie essaie de faire des concessions et accepte de pardonner les erreurs du partenaire.

L’avis d’un sociologue

Pour éclairer la lanterne des uns et des autres sur cette épineuse question, Bréima Ely Dicko, sociologue, quant à lui dira que ce phénomène est universel. De son point de vue, les causes sont multiples et évolutives. Ainsi, il dira qu’à la base de ces divorces se situe un problème de communication, la pauvreté, les coups et blessures, l’alcoolisme du mari mais aussi le rôle des beaux parents. Outre ces facteurs, il ajoute que l’absence d’enfants dans le couple peut être aussi une cause déterminante. Par ailleurs, notre sociologue expliquera que le refus de la femme de vivre en polygamie peut donner lieu également à une séparation. Concernant le rôle des beaux-parents, il estime qu’une belle mère qui s’implique trop dans le couple de son enfant peut être mal perçue par l’autre partenaire qui se sentira victime. 

Dans la même dynamique, notre spécialiste reconnaîtra que l’effet des médias sociaux c’est-à-dire Facebook et WhatsApp ou encore Tik Tok ont joué un rôle important dans la plupart des séparations constatées de nos jours. De ce fait, il a rappelé qu’avant les années 2000 ce problème n’existait que très peu, mais présentement, avec l’émergence des réseaux sociaux, cela a créé beaucoup de frustrations dans bon nombres de couples. « Cela a conduit bon nombres de femmes à être moins attentives à l’éducation des enfants et cela est source de conflit à l’intérieur du couple. Le nombre de divorces était moindre avant ce 21ème car les femmes se basaient sur la soumission et le pardon, en bambara Mougnou ni Sabaly. Avec la ratification de plusieurs accords par le Mali à l’endroit de la femme, cela a constitué un déclic pour elles », argumente-t-il. Pour lui, avec toutes les lois qui les protègent, les femmes ont beaucoup plus recours au divorce.

De ce fait, la solution consistera d’après M. Dicko à faire comprendre aux partenaires qu’ils doivent mieux se connaitre avant de prononcer leurs vœux. Par ailleurs, il juge qu’une meilleure connaissance des intéressés peut jouer positivement sur les unions. En définitive, il prône pour une communication au sein des couples qui peut éventuellement faire éviter le pire.

Témoignages

Confrontés à cette difficile séparation, des témoins dans leurs confessions ont fait savoir que le divorce était l’ultime recours pour aspirer à une vie meilleure. Certaines femmes ont avoué que la violence conjugale était la principale motivation de leur volonté de rompre le lien sacré du mariage. Outre, ces facteurs, d’autres hommes vivants dans la même situation ont pointé du doigt l’infidélité de leur conjointe et aussi le manque d’enfants qui justifiaient leurs décisions. En somme, de ces séparations peuvent découler des conséquences comme le rejet d’étamer un autre mariage, être la cible de critiques de la part des uns et des autres ou pire, engendrer un traumatisme chez les enfants dont les parents sont séparés. Comparativement aux autres pays de la sous-région, une étude montre que le Mali connaît un taux de divorce relativement faible par rapport à ses voisins. Cependant, il est plus qu’impérieux pour l’Etat de prendre des mesures fortes pour contrer ce phénomène dégradant.

Ahmadou Sékou Kanta

Source : Maliexpress.net

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