Décryptage: 2024, une année de projet réaliste et réalisable
La bonne résolution de 2024 serait d’œuvrer à une profonde transformation sociétale du Mali.
Rétrospectivement, l’année 2023 a été marquée par le vote et l’adoption de la nouvelle Constitution faisant entrer le Mali dans la IVe République. Elle a été aussi jalonnée par la reprise de la ville de Kidal par les FAMa des mains du CSP-PSD depuis une décennie.
C’est aussi l’année où le Mali, le Niger et le Burkina Faso, trois pays dirigés par des régimes transitoires, créent l’Alliance des Etats du Sahel pour leur sécurité collective et le développement. Mais notons aussi qu’en 2023, la dégradation sécuritaire a atteint des niveaux stratosphériques comme l’attaque du bateau « Le Tombouctou » faisant plus d’une centaine de morts.
Jamais revendiquée, cette attaque d’une violence et d’une cruauté absolue a créé un climat d’effroi et de sidération chez les Maliens. Les images du bateau en flamme sont gravées à jamais dans l’esprit des Maliens. Elle a créé un contexte morose.
A propos des libertés individuelles, 2023 a été séquencée par l’emprisonnement de Ras Bath, de Tantie Rose, de Ben le Cerveau, de Clément Dembélé ou de Chouala Bayaya Haïdara. Certains d’entre nous n’aiment pas ce qui dérange le train-train quotidien. D’autres en ont payé le prix fort. Que justice soit faite ! Enfin, comme on pouvait le redouter, en 2023, les crises diplomatiques ont atteint leur paroxysme : suspension de visas entre le Mali et la France, tensions entre Bamako et Alger. Des fractures béantes se sont ouvertes.
Une conception holistique de l’éducation
Pour 2024, espérons que la paix règne sur le Mali et le monde. Consacrons-nous aux débats de fond sur la sécurité, l’éducation, la santé, la justice, le vivre-ensemble ou l’énergie pour une profonde transformation sociétale. A la place des vérités alternatives, travaillons aux controverses démocratiques pour démêler l’esprit démocratique de l’esprit postcolonial et impérialiste.
Souvenons-nous que l’organisation des sociétés mandingue (Soundiata Kéita), songhay (Sonni Ali Ber), bambara (Biton Coulibaly), sénoufo (Tiéba Traoré), peul (Sékou Amadou Barry) ou touareg (Firhoun Ag Alinsar) se faisait grâce à une alchimie entre volonté des peuples et sacrifice des chefs. Certes, ces modes d’organisation socioéconomiques et politiques ne doivent pas échapper à la critique.
Mais sur l’échelle de Richter de la gouvernance, il est important de les réquisitionner pour conjuguer nos efforts de paix et de vivre ensemble. La régulation de nos conflits actuels en dépend. L’enjeu est moins la répression que l’inclusion.
Au Mali, comme partout dans le Sahel, 2024 doit être mise à l’épreuve pour trouver une conception holistique de l’éducation, un des remparts contre le narcoterrorisme. Certes, les victoires à la Pyrrhus réconfortent pour un temps donné. Mais, elles sont loin de garantir la paix dans le long terme.
Pour toutes ces raisons, il y a nécessité pour le Mali de concevoir et réaliser des projets de société réalistes et réalisables. Entendons par projet, ces idées mises en avant pour réaliser une œuvre sociale, politique, culturelle, scientifique ou économique dans le temps et l’espace au bénéfice de la société.
Ce qui implique d’avoir un accord avec les différents acteurs : syndicat, patronat, association, notables, groupes signataires des accords de paix, etc. L’enjeu est de créer un fonctionnement social en réseau ouvert avec la capacité des acteurs à se remettre en question de façon permanente pour développer une culture de la paix faisant vibrer le cœur de la IVe République.
L’esprit de la nouvelle Constitution
Le « … peuple malien (…) affirme sa volonté de renforcer les acquis démocratiques de la révolution du 26 mars 1991 et de promouvoir les idéaux de la refondation portés par le peuple malien (…) », préambule de la Constitution du 22 juillet 2023. Tout est dit. Mais dans notre imaginaire actuel, le pouvoir est tellement fantasmé qu’il est perçu comme un outil d’accession à une position sociale. Ce qui, par conséquent, brouille la vérité et le désintérêt.
Mais passons ! Par exemple, pour apaiser les tensions, il ne serait pas inutile de porter à la connaissance des Maliens le nouveau chronogramme des scrutins présidentiel et législatifs. Ce serait un signal fort pour « renforcer les acquis démocratiques », tels que gravés dans la nouvelle Constitution.
Dans le même ordre d’idées, une véritable réflexion doit se faire sur les défis actuels comme la crise énergétique d’autant que notre pays est précurseur de l’hydrogène blanc, une énergie propre, découverte en 1987 à Bourakébougou dans le cercle de Kati. Comment construire un projet promoteur de cette ressource au profit du Mali et surtout des Maliens ?
En attendant de répondre à cette question, le futur dispositif de « … dialogue direct inter-malien… » doit être un filtre de nos colères et un révélateur de solutions durables pour le Mali.
Bonne et heureuse année 2024 !
Mohamed Amara
Sociologue
Source : Mali Tribune