Chronique du Mali – Le Sahel : dans les liens de la folie meurtrière
Le président tchadien, Idriss Déby Itno, a été tué ce mardi 20 avril 2021. Sa mort n’est pas un fait isolé dans une forêt de folie meurtrière qui embrase le vaste champ sahélien soumis à la loi de la jungle, du fait du terrorisme, de l’extrémisme religieux violent.
L’objet n’est pas tant de qualifier la mort du président qui venait à peine d’entamer son sixième mandat, après l’élection présidentielle de ce 11 avril, encore moins celle du Maréchal qui se voulait chef de guerre, que de plaindre l’absence de leadership accepté dans la région sahélienne, comme celui que représentait du temps de Mouammar Khadafi, la Communauté des Etats sahélo-sahariens (CEN-SAD).
La région sahélienne rime avec circulation des armes de guerre, de la Libye vers les pays africains du centre et de l’ouest, celle de la drogue ; c’est le foisonnement des trafics de toutes sortes, y compris le trafic humain, l’enrôlement forcé de combattants pour alimenter la criminalité transnationale organisée ; c’est la région des groupes armés terroristes.
C’est la folie meurtrière sans contrôle, qui semble faire la loi dans le Sahel, qui l’applique selon les tournures qui lui conviennent, qu’elle est seule à en savoir la ligne directrice ou les secrets.
Des évènements fous s’enchainent dans le grand sahel, sur le théâtre des opérations dans la zone des trois frontières (pays du champ : Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad), à Bamako ou à Ndjamena, les uns n’attendant pas l’épilogue des autres, ou les autres brouillant les pistes aux uns.
Le 13 avril dernier, une semaine avant la mort de Deby, Sidi Brahim Ould Sidatti, le président en exercice de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), a essuyé des tirs d’individus armés à Sirakoro Meguetana, un quartier de la banlieue de Bamako. Comme Deby Itno, il a succombé à ses blessures quelques temps après. Ils ont en commun d’être des acteurs dans le processus de paix au Mali, pays dont la crise est alimentée par le terrorisme des groupes armés. De rebelle belligérant, Sidi Brahim Ould Sidatti est ensuite le signataire de l’accord de paix entre la CMA et le gouvernement malien, le 20 juin 2015. Mais la CMA et le gouvernement malien se sont souvent rejetés la responsabilité, tantôt de la violation de l’accord, tantôt de la lenteur de sa mise en œuvre. Certains ont pu dénoncer des accointances entre la CMA et des groupes terroristes. Quant au président Deby, il n’a jamais lésiné sur les moyens militaires pour combattre de toute sa force, les groupes armés au Mali. C’est ainsi que le 29 mars dernier, la force conjointe du G5 Sahel s’est renforcée de l’arrivée dans la zone des trois frontières, de 1 200 soldats tchadiens, au moment où le ministre des Armées de France, Florence Parly, se démenait pour démentir le rapport des Nations-Unies qui épingle les opérations de Barkhane à Bounti.
Ainsi, l’ONU, à travers sa Division des Droits de l’Homme et de la Protection, sa mission présente sur le territoire malien (Minusma), brandit un carton jaune à la France, à propos d’un village malien ‘’Bounti’’, qui a essuyé, le 3 janvier 2021, des frappes de Barkhane. Des personnes tuées appartiennent à « un groupe armé terroriste ciblé comme tel », selon la France ; mais aussi, des civils qui célébraient un mariage ont été tués, selon les enquêteurs de l’ONU. N’est-ce pas ce climat de permanente tension qu’est celui du vaste Sahel, qui sert de lien entre les morts de Bounti, la mort de Sidi Brahim Ould Sidatti et celle d’Idriss Deby Itno ?
Source : Le Républicain