Choguel Maïga à cœur ouvert : Ni Paris ni la Cédéao ne tiennent compte de la réalité du Mali

Le Premier ministre a, par le choc des volontés, manifesté devant les cadres de l’administration publique son devoir d’assumer sa responsabilité du salut public.

Le Premier ministre est passé de l’administration des choses au gouvernement des hommes, a incarné en ce moment particulier de l’histoire le destin de son peuple. Des grands hommes, il peut y en avoir quelques-uns par génération. Évidemment, ils ne peuvent apparaître que lorsque l’histoire génère de grandes circonstances, lorsque les tensions fondamentales incrustées au cœur d’un pays ou d’une époque s’exacerbent. Justement, Choguel Kokalla Maïga s’est saisi de ces tensions pour permettre à la cité de se refonder, quitte à courroucer des partenaires qui n’ont pas voulu voir l’eau dans le fleuve.

La communauté économique des états de l’Afrique de l’ouest (Cédéao) a pris des sanctions contre des personnalités de notre pays en raison du retard accusé dans l’organisation des élections. Cet épisode qui  peut être qualifié d’un des plus stupides de l’histoire de cette organisation, n’est pas près de s’effacer des mémoires. Beaucoup de Maliens, d’Africains de l’ouest ont vécu comme une ingérence humiliante les mesures d’isolement prises contre des personnalités de premier plan –  premier ministre, ministres, membres du Conseil national de la transition (CNT) et en gardent surtout rancune.

Sautes d’humeur passagères

Depuis des mois, les rapports entre Bamako et la Cédéao ont souvent été marqués par une incompréhension réciproque. Le moins que l’on puisse dire cette dernière n’a pas manifesté de la compréhension. « La CEDEAO a décidé de nous sanctionner. Nous en prenons acte tout en déplorant la décision. Pourtant, la concertation fondée sur la bonne foi aurait permis l’instauration d’une fructueuse collaboration. Elle nous a opposé la réalité des textes. Nous lui avons opposé le principe de la réalité du terrain. Nous sommes prêts à aller aux élections, mais en ayant procédé auparavant, comme elle a eu à nous le recommander du reste, dans un passé récent, à un amendement des textes afin d’éviter les crises politiques et les contestations postélectorales répétitives. D’aucuns ont parlé de bras de fer entre l’organisation subrégionale et nous. Il n’en est rien. D’autres ont parlé d’étouffement. Nous nous posons la question : quel intérêt des pays que nous considérons tous comme des pays frères ont-ils à nous étouffer ? » a expliqué lundi dernier le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga devant un parterre de cadres de l’administration publique.

Alors que les liens avec la Cédéao traversent une période de tensions et d’incertitudes, les relations avec l’ancienne puissance colonisatrice se sont crispées. « On a parlé de nuages, de froid, à propos de nos relations avec la France. Pourtant, nul n’est mieux placé que la France pour comprendre nos aspirations profondes. N’est-elle pas celle qui, mettant fin à l’absolutisme royal, a inspiré aux peuples le droit de penser et d’agir par eux-mêmes et pour eux-mêmes contre les puissants et les tortionnaires ? La patrie des droits de l’Homme et du Citoyen peut-elle vouer aux gémonies des hommes aspirant à se prendre en charge hors de toute tutelle étrangère ? Entre la France et nous, les liens sont si solides qu’ils résisteront aux humeurs passagères » a osé espérer le Premier ministre.

Russie, l’alliée traditionnelle

 Le partenariat avec la Russie s’est révélé un épouvantail qui ne fait peur qu’aux moineaux. La France veut conserver son influence politique, économique et diplomatique au Mali. La Russie est un allié traditionnel. A moins de chausser des lunettes périmées, on ne peut pas mettre les deux pays sur un pied d’égalité. Entre la France et ses anciennes colonies en Afrique, il y a un rapport de domination de plus en plus inacceptable. La Russie a été là au moment où les pays africains se battaient pour leur indépendance. Et, elle peut poser son veto au Conseil de sécurité pour protéger le Mali et lui procurer  des armes qui lui sont refusées ailleurs.

« L’on a essayé de nous dissuader de nouer un partenariat avec la Russie. C’est vite oublier les données de notre histoire contemporaine. Peu de pays dépassent l’ex-URSS dans la mobilisation de l’aide au développement en faveur du Mali. Enfin, certains ont parlé d’isolement. A cela, je réponds, le Mali n’a jamais été isolé, le Mali ne sera jamais isolé. Il suffit d’en juger par le nombre de pays, et pas des moindres, qui ne cessent de lui apporter leur appui multiforme comme récemment, lors de la 76è session de l’Assemblée générale des Nations-Unies et du vote au Conseil de sécurité pour décider de l’augmentation de l’effectif de la MINUSMA ».
En ligne de mire, la France et les Etats-Unis qui se sont érigés en donneurs de leçons. De 2003 à 2008, plus de cent milliards de dollars ont été alloués par l’Oncle Sam à des entreprises privées présentes sur le théâtre des opérations de guerre en Irak. L’importance du montant, plus de deux années du budget de la défense de la France ou du Royaume-Uni, confirme que la contractualisation de missions qui étaient naguère encore du ressort des seules forces armées est devenue une méthode ordinaire d’administration gouvernementale, y compris dans ce qui forme le cœur des fonctions régaliennes, la défense nationale.

Si l’on se réfère à l’importance des ressources humaines, financières ou matérielles mises en œuvre par le truchement de partenariats public-privé, l’intervention des États-Unis en Irak peut être considérée comme la première guerre partenariale.

 Transition de rupture

Le désamour des Maliens pour la mauvaise gouvernance n’a jamais été aussi grand. Les citoyens décrivent des partis repliés sur eux-mêmes et rétifs à tout changement, des astres morts, exsangues qui perdent des adhérents et nombre de ses cadres ces derniers temps. Parce que de leaders ont choisi pour le moment de protéger leur confort douillet Faut-il s’en inquiéter ou s’en féliciter ? Il faut d’abord raison garder. Cette méfiance ou ce rejet des partis politiques est très vivace. Les partis sont  accusés de mal transmettre la volonté de leurs électeurs et toujours suspects une fois au pouvoir.

Pourtant, ils sont pourtant indispensables à tout régime démocratique. D’ailleurs, ceux qui les critiquent ne s’y trompent pas, ils ont tôt fait d’en créer eux-mêmes un nouveau. Dès, il serait périlleux de pronostiquer leur disparition. Ce n’est d’ailleurs pas non plus souhaitable. Les appels à dépasser les partis politiques émanent très souvent de personnalités fortes, qui préfèrent rejouer le jeu de l’appel au peuple. Choguel qui est aussi chef de parti le sait bien. Il a préféré s’en tenir à la volonté populaire : « Ce qui doit être clair pour tous, est que les Maliennes et les Maliens, dans leur écrasante majorité, ont opté pour une Transition de rupture. C’est une donnée non négociable, car il en va de notre renaissance pour cesser d’être le vieil homme malade de l’Afrique de l’Ouest et reprendre notre place dans le concert des nations en jouant de nouveau le rôle de pays-phare que nous avons été trois décennies durant ».

Source : l’Informateur

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