BAMAKO ET NIAMEY CONTRE LA CONVENTION DE LA DOUBLE IMPOSITION : Les raisons de la hausse du ton
Dans un communiqué conjoint diffusé le 5 décembre 2023, les autorités maliennes et nigériennes ont procédé à la dénonciation de deux conventions provoquant un manque à gagner considérable pour les deux pays. Il s’agit, en effet, des conventions signées respectivement par les deux nations avec la France, lesquelles permettaient d’éviter pour le Mali, voire d’éliminer pour le Niger, les situations de doubles impositions.
Les gouvernements de transition du Mali et du Niger ont émis un communiqué conjoint en début de semaine, dans lequel ils ont dénoncé les conventions signées respectivement par leurs deux pays avec la France. Ces conventions visaient initialement à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance réciproque en matière d’impôts sur le revenu, d’impôts sur les successions, de droits d’enregistrement, et de droits de timbres. Par la suite, l’objectif était d’éliminer les doubles impositions et d’établir des règles d’assistance mutuelle administrative en matière fiscale.
La conclusion et la signature de ce traité bilatéral entre les États remontent au 22 septembre 1972, visant à renforcer la coopération internationale et les liens d’amitié. Les deux pays ont justifié cette décision par « l’attitude hostile persistante de la France » et le « caractère déséquilibré » de ces conventions, lesquelles constituent, selon les termes du communiqué, « un manque à gagner considérable pour le Mali et le Niger. »
Par conséquent, ajoute le communiqué, « sur la base des dispositions pertinentes de la Convention de Vienne sur le Droit des Traités de 1969, notamment celles relatives à la non-ingérence dans les affaires intérieures des États, la survenance d’une situation rendant l’exécution du traité impossible et le changement fondamental de circonstances, le Gouvernement de la Transition de la République du Mali et le Gouvernement de la Transition de la République du Niger ont décidé de mettre fin, dans un délai de 3 mois, aux Conventions précitées, afin de préserver les intérêts supérieurs des peuples maliens et nigériens, conformément à la vision de leurs présidents. »
Ces conventions fiscales régissaient les règles d’imposition sur les revenus ou la succession. Elles permettaient également l’échange d’informations et la collaboration des administrations, notamment pour le recouvrement d’impôts. Vieilles d’une cinquantaine d’années, ces conventions seront donc supprimées « dans un délai de trois mois. »
Un changement radical concerne à la fois les particuliers et les entreprises domiciliés en France et exerçant une activité au Mali ou au Niger, et réciproquement. Les conséquences seront donc aussi nombreuses que diverses, touchant tant les Français travaillant au Niger que les Maliens de la diaspora en France, et les entreprises expatriant certaines filiales.
Cette nouvelle posture adoptée par les deux États constitue ensuite une nouvelle étape du rapprochement des pays de la nouvelle Alliance des États du Sahel, créée il y a deux mois et demi. Cette fois, c’est le Mali et le Niger qui suivent les traces du Burkina, car le gouvernement burkinabè avait dénoncé sa propre convention fiscale avec la France en août dernier.
Ahmadou Sékou Kanta
Source : L’Observatoire