ANNÉE 2021 : Très mouvementée
L’année 2021 a été pleine de soubresauts et de surprises dans la gestion de la Transition. Des assises Nationales de Refondation au dossier groupe Wagner, les autorités de la transition, très inflexibles face à leur partenaire dans la lutte contre le terrorisme, ont marqué la période de leurs empreintes.
L’année dernière, tous les yeux étaient rivés sur le Mali qui s’est montré tenace à l’égard non seulement de son ancienne puissance coloniale mais aussi des nombreux pays qui lui sont venus en aide dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Moins docile que son homologue tchadien, colonel Assimi Goita, actuel homme fort du Mali, a fait mordre la poussière aux autorités françaises dans leur gestion de la crise qui mine le pays. Après avoir été lâchée en plein vol, selon les expressions de son premier ministre Choguel Kokalla Maïga lors d’une rencontre de l’ONU, la nouvelle autorité malienne entend voler de ses propres ailes en nouant de nouveaux partenariats avec la Russie, (de façon officieuse avec un groupe de mercenaire), qui fait grincer les dents en France.
Bras de fer avec l’ancienne puissance coloniale
Accueillie à bras ouverts en janvier 2013, l’armée française a réussi à repousser les forces djihadistes, parties du Nord pour s’emparer de la capitale malienne. Depuis, malgré la présence des troupes françaises de l’opération antiterroriste Barkhane au Sahel, la situation sécuritaire du pays s’est pourtant dégradée, notamment dans le centre, devenu le théâtre d’attaques terroristes à répétition.
Une situation qui nourrit le sentiment antifrançais à Bamako où des manifestations sont régulièrement organisées pour demander le départ de la France, mais également les critiques du gouvernement malien, prompt à souligner l’inexorable détérioration sécuritaire du pays malgré l’engagement français. De son côté, Paris juge que les autorités maliennes, censées capitaliser sur les avancées militaires pour restaurer l’autorité de l’État, ne jouent pas leur rôle.
La première rencontre entre Emmanuel Macron et Assimi Goïta, le président de la transition du Mali, n’aura finalement pas lieu lundi, le chef de l’État français ayant annulé sa visite en raison de la pandémie de Covid-19. Une occasion manquée d’aborder de vive voix les nombreux dossiers sensibles qui opposent Paris et Bamako.
Une première rencontre avortée entre Emmanuel Macron et le colonel Assimi Goïta, président de la transition du Mali. Le chef de l’État français a annulé, vendredi 17 décembre 2021, son voyage à Bamako, durant lequel il devait en principe s’entretenir avec le dirigeant malien. Si la raison officielle de cette annulation est la dégradation de la situation sanitaire en France, due à la pandémie de Covid-19, l’organisation de cette visite était une tâche difficile, dans un contexte de fortes tensions entre la France et le Mali, et alors qu’ont régulièrement lieu, à Bamako, des manifestations hostiles à la France organisé par un mouvement proche de la junte au pouvoir. Ces derniers mois, les divergences stratégiques liées à la lutte antiterroriste au Sahel ont tourné aux critiques ouvertes entre les deux pays. Pire, Bamako critique la méthode adoptée par la France dans cette perpétuelle lutte contre le djihadiste. D’où la volonté des militaires au pouvoir de diversifier leur partenariat en nouant des relations militaires avec la Russie.
Tentative de négociation avec l’ennemi
Alors que des groupes liés à Al-Qaïda, ainsi qu’à l’organisation État islamique, gagnent du terrain au Mali, la stratégie à adopter vis-à-vis des djihadistes constitue l’un des points de divergence majeur entre Bamako et Paris. Le gouvernement malien estime qu’il est de son devoir d’ouvrir le dialogue : “C’est une demande forte depuis plusieurs années du peuple malien qui dit que ceux qui sont avec les djihadistes sont des jeunes souvent désœuvrés, souvent endoctrinés (…). Discutons pour récupérer ceux qui sont récupérables”, expliquait le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga à France 24, fin septembre.
La France, elle, rejette catégoriquement l’idée de négociations hors du cadre de l’accord d’Alger, conclu en 2015. “Cet accord prévoit un dialogue avec différents groupes politiques et autonomistes. Mais cela ne veut pas dire qu’il faut dialoguer avec des groupes terroristes, qui continuent à tuer des civils et des soldats, y compris nos soldats”, précisait Emmanuel Macron, en novembre dernier, dans une interview à Jeune Afrique.
Pourtant à travers le Haut conseil islamique, une représentation religieuse malienne, des pourparlers ont été entamés avec les belligérants qui se sont souvent soldés par la libération des certains otages mais aussi la levée des blocus sur certains villages qui étaient carrément assiégés depuis des mois. Le cas de Farabougou en est un exemple parmi tant d’autres. Cependant, ces discussions avec ces groupes armés terroristes produiront-elles des résultats escomptés ? Cette interrogation reste suspendue sur plusieurs lèvres mais l’idée d’un dialogue est bien perçue par la plupart des maliens qui estiment que ces terroristes sont des leurs et qu’une discussion reste toujours possible.
Le dossier Wagner
En septembre dernier, quelques mois après l’annonce par la France de la réduction de ses troupes au Mali, des rumeurs de négociations entre les autorités maliennes et le groupe paramilitaire Wagner sont relayées par la presse. La France lance une offensive diplomatique, affirmant qu’un partenariat entre le Mali et la milice russe, accusée par l’ONU d’exactions en Centrafrique, est “incompatible” avec le maintien d’une force française dans le pays. Ainsi, plusieurs pays occidentaux qui ont des effectifs militaires au Mali étaient prêts à emboîter le pas de la France en retirant leurs troupes du pays. Pour autant, les autorités maliennes n’ont pas fléchi, pire, elles ont poursuivi de plus belle les négociations à travers le ministre des affaires étrangères Abdoulaye Diop.
Sans confirmer les rumeurs, Bamako met en avant la souveraineté de l’État, libre de nouer de nouvelles alliances sécuritaires dans le “souci de préserver son intégrité territoriale”. Pour Bamako, cette nécessité de trouver de nouveaux partenaires est avant tout dû au retrait des troupes françaises du nord du pays.Car l’annonce, le 10 juin, de la fin de l’opération Barkhane a été très mal perçue par les autorités maliennes.
La polémique du redéploiement français
La présence française étant de plus en plus critiquée au Mali, Paris souhaite désormais se mettre en retrait au profit de la force européenne TAKUBA, et concentrer ses efforts militaires dans la zone “des trois frontières”, dans le centre, considéré aujourd’hui comme le terrain d’action prioritaire. Un redéploiement que le Premier ministre Choguel Maïga a qualifié d'”abandon en plein vol”, le 25 septembre, devant l’assemblée générale de l’ONU.
Ce dernier fustige une décision “unilatérale”, qu’il affirme avoir appris par voie de presse. Des propos jugés “indécents” par la ministre française des Armées, Florence Parly. “Quand on a 5 000 soldats et qu’on se désengage de trois emprises, et qu’on a l’intention d’en laisser encore plusieurs milliers, lorsqu’on déploie au Sahel des blindés dernier cri (…), ce n’est pas l’attitude normale d’un pays qui a l’intention de s’en aller”, déclarait la ministre, deux jours plus tard.
La transition démocratique
Soucieux d’éviter les critiques, le gouvernement français s’est d’abord montré discret sur le sujet de la transition démocratique au Mali, laissant le soin aux organisations régionales que sont la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union africaine de négocier avec la junte. Mais les retards accumulés quant à l’organisation des élections, censées permettre le retour des civils au pouvoir, ont depuis contribué à la montée des tensions entre Bamako et Paris.
Bien que le précédent gouvernement ait établi une date butoir de transition au 27 février 2022, la junte militaire refuse toujours de dévoiler un calendrier pour le scrutin, malgré l’insistance de la CEDEAO. Dans ce contexte, les critiques ouvertes des autorités maliennes à l’égard de la France passent d’autant plus mal. Cependant, l’organisation sous régionale ne reste pas les mains croisées. Elle brandit la menace de sanction contre un pays déjà mal au point. La quasi-totalité des membres de l’organe législatif de la transition et presque tous les membres du gouvernement sont sous sanction de la CEDEAO. D’autres mesures plus fortes doivent s’en suivre dans les prochains mois selon le dernier communiqué établi.
“Je sais que les Maliens ne pensent pas ça”, déclarait Emmanuel Macron le 30 septembre dernier, réagissant aux accusations d’«abandon » du Premier ministre malien. Le président français avait alors jugé “la légitimité du gouvernement actuel”, issu de deux coups d’État depuis 2020, comme “démocratiquement nulle”.
Des ANR très moins inclusives
Le projet de réformes institutionnelles oriente les tenants du pouvoir vers les Assises Nationales de Refondation dont la phase finale était de déterminer les principales réformes institutionnelles à mener, mais aussi fixer la date des futures élections, présidentielles et législatives, qui doivent marquer la fin de la transition amorcée à la suite du coup d’État militaire d’août 2020. Toutefois, ce projet de réforme est vu par certains partis politiques comme un leurre élaboré par les militaires. Ils estiment que c’est une tactique qui vise à prolonger la transition qui tend vers sa fin. Initialement prévue pour une durée de 18 mois, le ‘’régime militaire’’ connaîtra vraisemblablement une prolongation. Le RPM de l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta, le PARENA de Tiébilé Dramé, le CODEM d’Housseini Amion Guindo, le PS d’Amadou Koïta : plusieurs dizaines de partis, certains de poids, ont catégoriquement refusé d’y prendre part.
Les organisateurs ont estimé que les conclusions des Assises seront représentatives et légitimes. Les partis réfractaires jugent ces Assises trop coûteuses et redondantes, compte tenu des nombreuses concertations nationales déjà réalisées. Ils refusent surtout de lier la réflexion sur l’avenir du pays à la détermination de la durée de la période de transition.
« Les assises nationales de la refondation de l’État du Mali constitueront un moment privilégié d’examen collectif de conscience et de prospective, un événement précurseur du processus de renaissance de notre pays ». Le chef de la junte malienne Assimi Goïta ne minimise pas les effets de la série de consultations lancée dans le pays depuis le 11 décembre.
Ahmadou Sékou Kanta
Source : Miroir Hebdo
Inscrivez-vous au Newsletter de Maliexpress.net pour recevoir le journal PDF gratuit