Affaire fonds COVID : Quand la lutte contre la corruption bouffe les meilleurs fils du pays
La lutte contre la corruption, l’enrichissement illicite et la délinquance financière, enclenchée par les autorités de la Transition, est certes une exigence du peuple malien, inscrite en bonne place dans les recommandations des Assises nationales de la refondation (ANR), mais, au train des arrestations aujourd’hui, on ne peut s’empêcher d’avoir le sentiment du manque de discernement dans les interpellations, ce qui risque très rapidement de plomber les ailes d’un combat somme toute noble.
Il en est de l’arrestation de médecins émérites, tous directeurs d’hôpital respectés, dans le cadre de la gestion du fonds Covid-19 puis leur révocation par la hiérarchie. Ces mesures ont laissé perplexes de nombreux citoyens maliens, qui s’interrogent sur la tenue des enquêtes et la trop grande rigueur de la loi au regard de la modicité des montants reprochés dans certains cas.
La gestion du fonds Covid dans un contexte d’urgence sanitaire allait naturellement laisser des traces à cause des entorses faites à la loi et à la réglementation en vigueur. Mais, visiblement, la justice n’a pas eu la même lecture de la situation et a donc investigué comme dans une affaire normale avec des procédures de passation de marché à respecter scrupuleusement.
Résultat des courses : des médecins chevronnés, des chefs de famille respectables et respectés, des enseignants chevronnés ont été livrés à la vindicte populaire, vilipendés et déchus de leur titre.
Curieusement, la plupart de ces gens sont probablement distingués dans les Ordres nationaux pour services rendus à la nation. C’est dire que ceux qui ont reçu la reconnaissance de l’Etat méritent tout au moins qu’on réfléchisse à leur cas avant de prendre des mesures draconiennes. On pouvait par exemple demander aux médecins concernés de rembourser les montants indûment décaissés.
Chargés de cours dans les facultés et grandes écoles pour la plupart, comment pourront-ils regarder leurs étudiants droit dans les yeux pour leur parler d’éthique et de déontologie ? C’est donc dire que le crédit de l’Etat en a pris un sacré coup.
Il urge de faire baïonnette intelligente dans la lutte contre la corruption pour ne pas mécontenter une bonne partie de l’opinion et ne pas donner l’occasion à des gens de régler leurs comptes personnels.
El hadj A. B. HAIDARA
Aujourd’hui-Mali