ACHETER DES CONDIMENTS POUR LA MAISON : Entre élégance et pragmatisme socioéconomique

ACHETER DES CONDIMENTS POUR LA MAISON : Entre élégance et pragmatisme socioéconomique

Au Mali, notamment dans la capitale, l’achat de condiments reste un aspect important de la gestion quotidienne des ménages. Pour les pères de famille, acheter des condiments est souvent perçu différemment selon les contextes socio-économiques et culturels. N’empêchent que certains profitent de certaines opportunités pour s’approvisionner en condiments et autres produits de consommation. En tirent-ils des avantages particuliers ?

Dans nos traditions, l’entretien de la maison, l’achat de condiments et la préparation des repas sont principalement considérés comme des activités féminines. Ils sont ainsi nombreux les chefs de famille qui pensent que ce sont des tâches qui doivent être obligatoirement exécutées par des femmes alors que les hommes ont la responsabilité de leur offrir les moyens financiers et matériels pour y parvenir.
Mais, de nos jours avec l’urbanisation et l’évolution des mentalités, des hommes commencent à participer aux tâches ménagères, y compris à l’achat de condiments. Cette nouvelle tendance est plus remarquée chez les jeunes de la nouvelle génération des chefs de famille. «Décomplexés» par rapport aux pesanteurs et préjugés socioculturels, ils n’hésitent pas à faire le marché quand ils en ont l’opportunité. A leur avis, cela n’a rien de «rabaissant» et peut, au contraire, contribuer à renforcer l’harmonie et la paix dans le foyer.
Ce qui fait que, dans certains cercles, les hommes qui participent aux achats domestiques sont perçus comme étant attentifs et responsables. Toutefois, selon un sociologue, certains hommes peuvent encore ressentir une pression sociale à travers les moqueries de leurs proches ou d’autres individus pour avoir pris des «rôles traditionnellement féminins». Dans de nombreuses familles, précise aussi un expert de l’économie familiale, «la participation des hommes aux achats est motivée par un pragmatisme économique». Et cela d’autant plus que les hommes qui connaissent bien les marchés peuvent négocier de meilleurs prix ou choisir des produits de meilleure qualité contribuant ainsi à «une gestion plus efficace du budget familial».
Impliquer les hommes dans les tâches domestiques, y compris l’achat de condiments, serait de nature à favoriser un partage équitable des responsabilités et renforce la solidarité familiale. «Les hommes qui participent aux tâches ménagères servent de modèles positifs pour leurs enfants en encourageant les valeurs d’égalité, d’équité genre», a souligné Maïmouna Kanté, une mère au foyer. Aussi, pour Mariam Sidibé, «la participation des hommes aux achats domestiques accroît-elle la flexibilité de la famille face aux imprévus comme les absences ou les maladies des autres membres de la famille». Pour Kankou Cissé, cadre de l’administration, «c’est aussi une leçon d’humilité qui peut beaucoup contribuer à changer le regard des enfants sur les rapports socioculturels».


Selon des experts (sociologues, économistes) cette pratique permet aux hommes d’acquérir des compétences pratiques en gestion domestique, car elle va leur permettre de «connaître la réalité du marché et savoir aussi ajuster les frais de condiment en fonction des périodes et où en fonction du plat de la journée». Ainsi, dans beaucoup de foyers, il y a probablement des incompréhensions liées aux frais de condiments jugés très peu par les femmes. «Les hommes ont toujours tendance à croire que les femmes exagèrent sur la hausse des prix afin de se faire des économies sur leur dos. Une fois, j’ai convaincu mon beau-frère de m’accompagner au marché. Et depuis, il me surnomme la magicienne parce qu’il ne sait comment je fais pour faire bouillir la marmite chaque jour avec ce que son grand-frère me donne pour la DQ (dépense quotidienne). Je suis convaincue que si les époux pouvaient se rendre de temps en temps au marché, cela réduirait considérablement les tensions dans de nombreux foyers», témoigne Kankou Cissé.
«Venir acheter soi-même les condiments pour sa femme a beaucoup d’avantages. Ce n’est pas forcément un manque de confiance. Cela permet de connaître la réalité du marché, donc de ne pas injustement accabler nos épouses qui demandent fréquemment une augmentation des frais de condiments», souligne Idrissa Coulibaly, un chef de famille venu acheter des condiments pour sa femme au «Sougouni Koura» de Bamako (marché de Médine).
Autant dire donc que les mentalités évoluent dans le bon sens parce que prônant le pragmatisme dans la gestion de la famille où il de moins en moins de tâches totalement dédiées à la femme ou à son mari. En fin de compte, l’évolution des mentalités et la promotion de l’égalité des genres contribuent de plus en plus à un partage plus équilibré des responsabilités domestiques qui ne peut être que bénéfique à l’ensemble de la famille.
Dan Fodio pour Maliexpress.net

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