Accord pour la paix et la réconciliation : Prêt à toutes les éventualités, le Mali appelle la médiation internationale à assumer ses responsabilités

Le ministère de la Réconciliation, de la Paix et de la Cohésion nationale, chargé de l’Accord pour la paix et la réconciliation (APR) vient d’adresser (le 24 février 2023) au ministre algérien des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger (Chef de file de la Médiation internationale) une lettre par rapport à ses observations sur le rôle de la Médiation internationale et les cas de violations de ses engagements par la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). Une lettre que des observateurs qualifient de «mise en garde musclée» aux partenaires internationaux d’un pays qui ne joue plus avec sa souveraineté.

A force de se faire tirer la queue, la chèvre finit par mordre, dit un adage de chez nous ! Face aux différents manquements à ses engagements de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) par rapport à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix réconciliation au Mali (APR) et au silence de la médiation internationale, le gouvernement malien a décidé de sortir de sa réserve. En effet, malgré les sacrifices consentis par l’Etat pour la mise en œuvre de l’APR (issu du processus d’Alger), force est de constater que les mouvements de la CMA n’ont jamais cessé de le violer.

Et cela en dénonçant ironiquement le manque de volonté des autorités maliennes pour mettre en œuvre cet accord afin de mettre la pression sur Bamako en vue de la satisfaction de besoins ou d’ambitions personnels. Après une période de silence sur cette attitude de certains partis à l’APR, le gouvernement malien a décidé de passer à l’offensive en interpellant notamment la Médiation internationale sur ses responsabilités à veiller au respect de l’engagement de toutes les parties.

Il trouve inconcevable qu’elle ferme les yeux sur les violations de plus en plus nombreuses des mouvements de la CMA. Comme par exemple l’installation d’États-majors dans le Gourma en 2020-2021 ; la réouverture des postes de sécurité dans les Zones de Kidal, Gao, Ménaka et Tombouctou ; la délivrance illégale d’autorisations de déplacement sur les sites d’orpaillage ; l’installation et la mise en place de dispositifs de sécurisation sur les sites d’orpaillages illégaux de N’Tahaka (sud de Gao) et au nord de Kidal.

Sans compter le refus de la coordination de recevoir les médecins en charge de la lutte contre le Covid-19 ; les actions entravant le fonctionnement optimal des bataillons des forces armées reconstituées (BATFAR) ; la conduite de patrouille Tartit par des entités non reconnues (CSP-PSD) sans concertation, ni accord du gouvernement (Kidal, Ménaka, Gao, Tombouctou, Taoudenni).

Le gouvernement déplore aussi le silence de la médiation internationale par rapport à l’occupation et à l’organisation de rencontres à Anéfis ; l’opérationnalisation à Kidal d’un tribunal islamique qui a déjà délibéré sur le cas de deux éléments du BATFAR ; et surtout «la collusion de plus en plus manifeste avec les groupes terroristes», en violation des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations unies qui exigent de «tous les groupes armés présents au Mali qu’ils rompent tous liens avec des organisations terroristes».

Selon la correspondance du ministère de la Réconciliation, de la Paix et de la Cohésion nationale (chargé de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale), «ces cas flagrants de violation de l’Accord sont d’autant plus préoccupants qu’ils n’ont donné lieu à aucune condamnation de la Médiation internationale et leurs auteurs n’ont jamais été rappelés à l’ordre». En tant que «garante politique de l’Accord et du respect de ses dispositions par les parties», son rôle est primordial la mise en œuvre effective de l’accord. Son silence sur ces violations répétées jette donc «un discrédit» sur elle et donne l’impression «aux ennemis de la paix un sentiment d’impunité».

Il est clair pour le gouvernement que les accusations de la CMA à son encontre découlent d’une mauvaise foi manifeste de minimiser les sacrifices consentis par l’Etat pour une mise en œuvre efficiente de l’APR. «L’engagement du Mali à mettre en œuvre l’Accord, s’est traduit à travers l’implication des mouvements signataires de l’Accord, dans la désignation du président de la Transition, la nomination de leurs responsables au sein du gouvernement et au sein du Conseil national de Transition (CNT)…», a rappelé la lettre adressée à l’Algérie, chef de file de la médiation internationale.

Les responsables des mouvements rebelles ont également été «systématiquement consultés» et associés à toutes les étapes majeures de la vie de la nation, notamment les Concertations nationales, les Assises nationales de la refondation ; la rédaction du projet de nouvelle constitution et sa finalisation. Sans compter que cet engagement se manifeste en outre par l’allocation de ressources budgétaires spécifiquement dédiées au développement des régions du nord du Mali, notamment à travers le financement, sur ressources propres, du Fonds de développement durable (FDD).

Malgré cet engagement, les mouvements de la CMA se sont mis en marge du processus de paix en essayant d’exercer un chantage sur les autorités maliennes. Un jeu nordique auquel Bamako est déterminé à se soustraire en exigeant plus de sincérité et de responsabilité des mouvements rebelles.

Le gouvernement a donc raison de prendre la communauté internationale à témoin et d’attirer son attention sur les menaces pesant désormais sur l’APR signé en mai et juin 2015. La balle est désormais dans le camp de la médiation internationale dont la crédibilité est plus que jamais en jeu !

Moussa Bolly

Source : Le Matin

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