30 ans de démocratie au Mali : L’envers du décor

Le peuple malien a célébré, vendredi, 26 mars, les trente ans de pratique démocratique, sur fond de déception, de désespoir, de division. Annoncée comme une panacée en mars 1991 après la chute du général Moussa Traoré, la démocratie malienne a été l’ombre d’elle-même. Elle n’a profité qu’aux démocrates prédateurs qui en ont fait un instrument d’enrichissement personnel en réduisant les Maliens en mendiants et en cassant tout espoir de changement souhaité il y a trente ans. Quel gâchis !

La démocratie malienne, acquise dans le sang (plus de 200 morts), le 26 mars 1991, à la suite d’un soulèvement populaire contre l’un des régimes les plus sanguinaires du continent noir incarné par le général Moussa Traoré, un lieutenant du groupe des quatorze membres de la soldatesque qui est entrée par effraction dans l’histoire politique du Mali, un 19 novembre 1968, en mettant fin au régime nationaliste et progressiste du président Modibo Keïta, le fondateur du Mali moderne, a été enterrée le 8 juin 1992. Ce jour, le président élu, Alpha Oumar Konaré, un homme qui a pleinement participé à l’élaboration des textes fondateurs de l’Union nationale des jeunes du Mali (UNJM), une instance de l’Union démocratique du peuple malien (UDPM, ex- parti unique), prêtait serment. Il s’était engagé à préserver la mémoire des martyrs des événements de mars 1991 en promettant de rompre avec les mauvaises pratiques du parti unique pour l’avènement d’un Mali nouveau où la justice sociale sera le moteur du changement de comportement des Maliens. A beau chasser le naturel, il revient au galop. Pour être au mangeoire de Moussa Traoré et comptable de sa gestion, Alpha s’est refugié derrière la politique de l’entrisme qui consistait à entrer dans le gouvernement de Moussa Traoré pour le changer de l’intérieur. Que dire de ce choix si ce n’est pur opportunisme pour des intérêts privés ! Personne ne dira qu’il a vu la lettre de démission d’Alpha Oumar Konaré qu’on dit qu’il a présentée au président Traoré. Alpha avait promis au peuple le changement.

Mais, hélas ! C’était sans compter sur sa volonté celle de sa bande d’arrivistes, regroupés au sein d’une formation politique dénommée Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice (ADEMA- PASJ) de détourner les acquis du peuple martyr en leur faveur.

En un laps de temps, ces anciens cadres de l’UDPM, retournant leur veste et reconvertis en démocrates bon teint, ont mis le Mali sous la coupe réglée en se gavant du sang du peuple malien par la corruption et la délinquance financière, la surfacturation, l’affairisme, le détournement de deniers publics, la ponction, le trafic de tous genres, le délitement de l’État, la destruction de tous les contre pouvoirs, l’accaparement des terres des paysans, etc.

Et pour couronner le tout, afin que l’enrichissement illicite soit complet et sans concurrence, ils ont acheté des actions dans les sociétés et entreprises d’État qu’ils ont privatisées (EDM-SA, BMS-SA) pour les besoins de la cause et créé des sociétés au nom de l’État dans lesquelles ils sont les gros actionnaires (PMU- Mali, sociétés minières), des agences de communications qui raflent tous les marchés de l’État et des entreprises de la place. Il y a aussi les contrats de bail de leurs villas et immeubles, construits avec l’argent volé au pauvre contribuable malien, négociés avec l’État à coût de millions.

Comme l’appétit vient en mangeant, le président Alpha Oumar Konaré, dans sa boulimie d’être le plus riche du Mali, à un moment de sa présidence, s’était lancé dans les affaires, malgré l’interdiction qui lui est faite par la Constitution d’exercer d’autres activités. Il avait acheté la maison d’Adama Traoré dit Adama BIAO (paix à son âme) à 300 millions de F CFA, avant de la céder à 600 millions à l’État sous la pression de la presse et des défenseurs des principes de l’État. Par la suite, cette maison au bord du fleuve Niger, à Djicoroni Para, a été affectée par l’État malien au général Moussa comme résidence d’un ancien président de la République du Mali. Bref, partout où on l’argent sent, ils ont leur nez.

Par les pratiques malhonnêtes et illicites, la bande de Alpha Oumar Konaré est parvenue à mettre en place une oligarchie insolente et arrogante qui menace la stabilité du Mali chaque fois que les Maliens décident de prendre leur destinée en main pour tourner la page des prédateurs des richesses nationales et avec elle celle des femmes et des hommes qui sont à l’origine de la décadence de notre pays.

Avec l’argent sale, ils ont constitué un trésor de guerre qui leur a permis et leur permet toujours de placer leurs pions dans l’appareil d’État dans le but de bloquer toute modification de textes qui les contraindrait à rendre compte de leur gestion désastreuse des affaires du pays.

Ainsi, par l’argent et le soutien de leurs amis français, ils ont pris en otage la transition de 2012 qui avait l’intention d’organiser des concertations pour faire l’audit de la nation afin de poursuivre ceux qui avaient jeté les bases de la désagrégation de notre pays pour leurs intérêts privés sordides et égoïstes.

Et pour la transition de 2021, ils sont en train de tirer les ficelles dans l’ombre pour qu’il n’y ait pas de débats sur la gestion des trente ans de démocratie. Aujourd’hui, ils n’ont que l’organisation des élections à leur bouche pour éviter une conférence nationale devant déboucher aussi sur l’audit de la nation. Ils veulent à tout prix qu’on fasse table rase de leur gestion en foulant au pied les reformes qui assureront des lendemains meilleurs au peuple malien.

Pourtant, l’avènement de la démocratie avait suscité un immense espoir en notre peuple. Il était question d’assainir la vie publique pour que désormais la justice, base de l’équilibre social, soit pour tous, une école de qualité dont les produits pourraient être des denrées rares, des soins et des logements décents pour les populations maliennes.

Après trente ans de démocratie, le peuple malien n’a pas encore vu le bout du tunnel. Et pour qu’elle ne soit pas l’envers du décor pour les Maliens qui continuent de subir les affres d’élite corrompue et malhonnête, il est temps qu’ils prennent leur destin en main pour mettre fin au règne des démocrates prédateurs qui gèrent encore le pays par l’entremise de leur progéniture.

SourceL’Inter de Bamako

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